Cetait au temps ...

Célestin FRUIT et Anne MONIER

Celestin FRUIT, premier du nom

Après la longue séquence des trois Jean-Baptiste FRUIT, ces générations qui assoient définitivement l’implantation de la branche à Bertry — une histoire racontée plus en détail dans l’article « De Defruit à Fruit » — la lignée entre dans un temps plus stable,  où  le bruit de la navette du tisseur remplace le cliquetis des armes.

Mon ancêtre à la 6e génération, Célestin FRUIT.  premier du nom, voit le jour en janvier 1795 et s’éteint en février 1875, à l’âge de quatre-vingts ans. Son existence embrasse presque tout le XIXᵉ siècle, traversant Révolution, Empire, Restauration, monarchies et République, sans quitter l’horizon du Cambrésis.

Un mariage sous les ombres de Tambora

En août 1820, Célestin épouse Anne Angélique MONIER. Eux deux forment une équipe typique du pays textile :

  • Lui, mulquinier, un métier bien plus noble qu’on ne l’imagine aujourd’hui.
  • Elle, fileuse, maillon indispensable et pourtant rarement célébré, en dehors des poètes et des peintres. ces femmes effacées des actes officiels ont inspiré des myriades de tableaux — leurs doigts précis, leur quenouille penchée, leur posture patiente fascinant littéralement les artistes.

Leur mariage intervient après une période particulièrement rude. Les années 1816 à 1819 sont marquées par un dérèglement climatique mondial, conséquence de l’éruption du Tambora, ce volcan indonésien dont l’explosion titanesque a littéralement obscurci la planète. On l’appelle encore l’année sans été : récoltes détruites, pénuries, prix du pain en folie.

Célestin et Angélique, bien sûr, ne connaissaient ni Tambora ni sa cendre planétaire ; mais ils en subirent les effets : appauvrissement, tensions, inquiétude dans les villages. Se marier en 1820, c’était tourner la page d’années sombres et regarder vers l'avenir.

Fileuse millet

Le mulquinier, un métier prestigieux qui décline

Pendant près de trois siècles, du XVe au XVIIIᵉ siècle, la mulquinerie fut l’âme économique du Cambrésis.
Un mulquinier n’était pas un simple tisseur : il était artisan, chef d’atelier, acheteur de fil, négociant, capable de vendre ses linons jusque dans les grandes villes.

Mais lorsque Célestin prend son métier, l’âge d’or est passé. La mécanisation progresse, la concurrence s’intensifie, les prix du lin chutent, la qualité elle-même devient moins valorisée.

La mulquinerie survit…
mais comme une tradition qui s’accroche, un métier qui résiste plus qu’il ne prospère.
Célestin se tient ainsi à la charnière d’un monde : celui où l’on gagnait encore sa vie au rythme de la navette, mais où déjà l’industrie textile commençait à grignoter les ressources.

Mulquinier

une affaire de bébé...

Il semble que le registre de Bertry contienne une perle,  situation cocasse :

Le 4 août 1820, naît leur premier enfant, Zélie Rosalie, douze jours avant le mariage. Soit. Classique pour l’époque. Mais l’acte de naissance précise qu’elle est née de son « épouse Angélique »… qui n’était pas encore épouse. Première bourde du greffier.

Arrive le 16 août, jour des noces. L'acte de mariage légitime l'enfant né avant le mariage. Et c’est là que tout bascule : L’acte ne légitime pas Zélie Rosalie, mais Anne Joseph Hortense, née le 25 juillet…qui n’est absolument pas leur enfant. Il s’agit en réalité de la fille de Constantin FRUIT et Florence Pecqueux.

Acte signé par Célestin, par son père et les témoins. Angélique, ne sachant pas écrire, ne signe pas.  Une erreur totale, jamais corrigée apparamment puisqu'aucune mention ne figure en marge.

Naissance zelie fruit 1820
 

Mariage celestin fruit x angelique monier

Dix enfants... une norme de l'époque

Célestin et Angélique auront dix enfants, ce qui peut paraître vertigineux aujourd’hui mais relève, en réalité, de la pure norme du XIXᵉ siècle. Ni contraception, ni réel contrôle des naissances : le couple accueillait les enfants au rythme de la nature et… de la Providence. Les conditions de vie ont déjà évolué depuis les siècles précédents — nourriture un peu plus variée, maisons légèrement moins insalubres, médecine timidement progressant — ce qui augmente lentement l’espérance de vie des adultes. Les couples vivent plus longtemps, la période durant laquelle ils peuvent concevoir s’allonge.

La logique était simple. La mortalité infantile élevée obligeait les familles à avoir beaucoup d’enfants pour espérer en voir quelques-uns atteindre l’âge adulte. Et ces survivants jouaient un rôle essentiel, ils étaient  les soutiens des vieux jours.

Sur les dix enfants de Célestin et Angélique : deux naissent sans vie, quatre meurent à peine arrivés, un disparait sans laisser de trace. Trois seulement atteindront l'âge adulte.

Parmi ces trois : Célestin FRUIT deuxième du nom, qui épousera Virginie Taine

Famille celestin fruit monier

conclusions

La petie Zélie ne vécut quel quelques mois, elle n'eut donc pas à pâtir du fait qu'elle n'avait pas été légitimée. Quant à Hortense et ses parent, je gage qu'ils ne surent rien de ce lutin farceur qui s'était glissé un beau jour d'août 1820, dans la mairie de Bertry.

Aussi précieux soient-ils, les registres ne sont jamais infaillibles....avancer en confiance, mais pas les yeux fermés !

 

Heureuse avis

 

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Date de dernière mise à jour : Ven 12 déc 2025

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Commentaires

  • traces et petits cailloux
    Quelle histoire !
    et sais-tu si les deux enfants concernés par cet embrouillamini ont vécu ? et si oui, ont-ils eu des difficultés à. faire reconnaître leur identité réelle une fois adultes ?
    • Dominique LENGLET
      • Dominique LENGLETLe Ven 12 déc 2025
      leur "vraie" fille, Zélie n'a pas survécu au delà de 3 mois, donc cela n'a pas eu le temps de poser problème. Quant à Hortense, probablement qu'elle n'a jamais su que l'a mairie de Bertry était hantée par un lutin farceur ! je suppose qu'on ne lisait pas à haute voix l'acte d'état civil sinon cela aurait interpellé les assistants !
  • VERONIQUE ESPECHE
    et donc, la petite fille reconnue qui n'est pas leur enfant, elle est comptabilisée dans les dix enfants du couple ??
    • Dominique LENGLET
      • Dominique LENGLETLe Ven 12 déc 2025
      pas "reconnue", elle avait été normalement déclarée par ses parents à sa naissance." Légitimée" dans l'acte de mariage... mariage

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