Cetait au temps ...

Antoine Langlet - Albertine Fruit

Antoine Langlet

1885-1917

Langlet antoine

Mort pour la France le 21 mars 1917.

Antoine Joseph LANGLET,  nait à Troisvilles (Nord) le jeudi 26 novembre 1885. C'est le troisième enfant  d'Antoine LANGLET et Maria Ozélia HELOIR son épouse.  

Dans sa prime enfance sa famille déménage à Bertry, le village voisin. Le père, tisseur, y a trouvé du travail dans une usine textile, il troquera le statut précaire d'artisan pour celui d' employé de fabrication.

Le jeune Antoine, après avoir quitté l'école communale, deviendra brodeur. Il n'a pas vingt ans lorsque la loi du 21 mars 1905, supprime définitivement le tirage au sort et instaure le service militaire obligatoire pour tous, d'une durée de vingt quatre mois. Notre conscrit sera appelé de 1906 à 1908.

Il a effectué son service militaire en 1906, au sein du 145è Régiment d'Infanterie, en garnison à Maubeuge. Le dépaysement n'est pas bien grand. Il s'y est distingué par un Prix de Tir en 1907. Il a reçu une épinglette en argent et un écusson représentant un cor de chasse brodé en or.

 

Cor de chasse brode or

 

                                         Epinglette en argent 1

Antoine sera photographié en tenue d'apparat, comme il est alors d'usage. Cela constituera une jolie carte postale à distribuer à ses proches.

Antoine lenglet fils de joseph et zelia 1​​​​

De retour au village, il y épouse, le 3 août 1912, Albertine FRUIT, de deux ans sa cadette, Née également à Bertry, le jeudi 14 juin 1888, de Léonard FRUIT et Julie LAFORGE.

Le jeune homme "porte beau". Plutôt grand pour l'époque, un mètre soixante treize, ses grands yeux bleus délavés et la moustache bien taillée, lui confèrent un charme fou. Il possède, ce qui ne gâche rien,  un degré d'instruction "3", relevé sur sa fiche matricule,  ce qui signifie qu'il maîtrise bien la lecture, l'écriture et le calcul. (instruction primaire développée).

Rappelé comme tous les hommes valides par l'ordre de mobilisation générale du 2 août 1914, il intègre, à Verdun, la garnison du 164e Régiment d'Infanterie  qui a pour mission de défendre la place fortifiée. Il a près de 30 ans déjà, aussi est-il versé dans le régiment de réserve : constitué de deux bataillons, ces régiments sont rattachés aux régiments d'active dont ils reprennent la numérotation, augmentée de 200. Raison pour laquelle on constatera que sa fiche matricule indique 164e RI alors que la photo ci-dessous montre le chiffre 364 sur le col.

Antoine lenglet le 30 12 1916

Son bataillon sera dissous au début de l'année 1916, le soldat sera réaffecté au 330è RI à partir du  21 Août. Il y exerce la fonction d'agent de liaison. Chasseur à pied, il arbore fièrement "la tarte", appellation que donnent les soldats à leur béret.

Les agents de liaison non gradés portent le nom de "coureurs" ils interviennent au niveau des compagnies et des sections, alors que les "estafettes" sont à la disposition des états-majors. En règle générale, ils ne participent pas à la garde des tranchées car ils doivent être en permanence disponible pour transférer des messages, de jour comme de nuit. Le téléphone n'arrive pas toujours dans les postes avancés parce que régulièrement les lignes sont coupées par les bombardements incessants.

Pour mener à bien ses missions extrêmement dangereuses, le coureur doit posséder un sens aigu de l'orientation et de l'observation, avoir une excellente mémoire, tant pour retenir les consignes et les transmettre, que pour mémoriser les positions des diverses unités et leurs postes avancés. De bonne condition physique, il est capable d'initiative et doit parfois déployer toutes les ressources de son intelligence et de sa bravoure. Dans le langage militaire de l'époque les coureurs sont "des as de la dé...brouille (édulcoré), des types gonflés à bloc".

Antoine et son unité sont envoyés en Argonne, région située aux confins de la Marne, des Ardennes et de la Meuse. Autant dire que cette zone sera toujours, peu ou prou, le front secondaire d'une zone de combat adjacente. Tout au long de la ligne de front, la guerre de mouvement est un échec. Aucun des deux camps ne parvient à avancer et rapidement les combattants s’enterrent pour tenir le terrain sans offrir une cible trop facile. Débute alors la guerre de siège, d’autant plus dure dans cette région qu’elle se déroule en grande partie dans les bois.

Le terrain est difficile, vite gorgé d’eau, les routes impraticables pour le matériel et la visibilité quasi nulle. La forêt couvre un plateau entaillé par des vallées aux versants escarpés, les fameux ravins, qui rendent la progression difficile. Face à l’impossibilité d’avancer à découvert, les soldats font éclater des mines sous les positions adverses. Lors de l’explosion, la terre s’ouvre et engloutit les lignes et les défenseurs ennemis, formant à la surface un cratère.

L’infanterie se précipite alors pour occuper les lèvres de l’entonnoir, gagnant quelques précieux dizaines de mètres de terrain. Courant 1917, l'armée américaine arrivera en renfort. Dans un premier temps, ils se positionneront, à l'ouest de Verdun pour ensuite infiltrer la forêt avoisinante, et tenter de chasser l'envahisseur. D'offensive durera jusqu'à fin 1918, ils y laisseront près de 28000 morts.

 Le bataillon avance toujours lentement, très lentement, avec des à-coups. Il vient de franchir l’ancienne barricade qui séparait jadis les positions françaises des positions ennemies. L’aspect du chemin devient de plus en plus sinistre. Dans la boue, sur des talus, partout des cadavres ont été projetés. Les uns courbés la face contre terre, les autres hideusement contorsionnés dans une pose grotesque ou tragique.

Antoine marche... sur des fusils cassés, des sacs éventrés, des chemises, des paquets de pansements, des caisses, des torpilles qui n’ont pas éclaté, des casques, des capotes. Les sacs à terre déchirés, déchiquetés,  sont éparpillés sur le sol ; il y en a des centaines, de toutes les couleurs, en toile, mêlés à la boue, au sang, à des débris de chair, à des cadavres mutilés. Il arrive, délivre son message au commandant, et vite, vite, il lui faut repartir en sens inverse pour rejoindre son unité, avant une prochaine mission.

 Antoine, repart.  Plié en deux, le buste parallèle au sol, il court quelques pas, genoux pliés, soudain il s’abat à terre.  Il se décolle à nouveau du sol et recommence. C'est son quotidien. Il est tué au cours d'une mission le 21 mars 1917 dans la Meuse à Esnes-en-Argonne (côte 304) à proximité de Verdun.

Cote 304 verdun 1

    Foret argonne



Ci-dessous un extrait de l'historique du 330è régiment, couvrant la période de du 19 au 25 mars 1917.


.Historique regiment

Le couple n'a pas eu le temps d'avoir des enfants, Albertine se retrouve jeune veuve de 27 ans.
Elle ne se remariera jamais et portera toute sa vie le deuil de son défunt mari, reportant son affection sur ses neveux et nièces.

Je me souviens bien d'Albertine, la cousine de ma grand-mère. C'est telle que sur cette photo qu'elle demeure dans mon souvenir. J'ignorais tout de son histoire jusqu'à ce que je m'intéresse à la généalogie. Enfant, j'avais toujours cru qu'elle était "vieille fille".

Fruit Albertine

Vous m’avez dit, tel soir, des paroles si belles
Que sans doute les fleurs, qui se penchaient vers nous,
Soudain nous ont aimés et que l’une d’entre elles,
Pour nous toucher tous deux, tomba sur nos genoux.

Vous me parliez des temps prochains où nos années,
Comme des fruits trop mûrs, se laisseraient cueillir ;
Comment éclaterait le glas des destinées,
Comment on s’aimerait, en se sentant vieillir.

Votre voix m’enlaçait comme une chère étreinte,
Et votre cœur brûlait si tranquillement beau
Qu’en ce moment, j’aurais pu voir s’ouvrir sans crainte
Les tortueux chemins qui vont vers le tombeau.  

-Emile Verhaeren - (1855-1916)

A son décès le 24 décembre 1979, à l'âge de 91 ans, fut retrouvée chez elle une boite contenant la chemise tachée de sang d'Antoine. Cette relique lui avait très vraisemblablement été adressée par le Chef de Bataillon, en accompagnement de la lettre dont un extrait nous est parvenu :

"Comme Agent de Liaison le soldat Antoine Langlet a toujours vaillamment accompli son devoir. Toujours prêt, la mort l'a trouvé glorieusement au cours d'une mission"


Antoine langlet 001

 

 Albertine avec deux de ses petites nièces : Danièle Hiboux et Germaine Deladoeul. (date approximative 1945-1946)

Albertine Daniele et Germaine

 Je remercie des familles Hiboux et Fruit pour la communication de ces photos de famille.

 

 

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Date de dernière mise à jour : Ven 11 oct 2024

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Commentaires

  • LENGLET
    Une belle histoire mais si triste à l'image de celle de mon grand père Paul Toussaint tué en septembre 1916
  • Béatrice
    Très émouvant l’histoire de la chemise précieusement conservée.
  • VERONIQUE ESPECHE
    Toutes ces jeunes vies fauchées ... Bel hommage

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