les fiancés, la noce, la famille
Les fiancés
Eugène a 21 ans quand éclate la 1ère guerre mondiale, J'ai un peu parlé de ses parents ici à la page Delépine-Furgerot, j'ignore ce que fut sa jeunesse. Pour mémoire : il a vu le jour le mercredi 17 mai 1893 à Clary, il est le 3è d'une fratrie de 10 enfants.
Eugène est brodeur comme son père Porphyre. La broderie est en plein essor en ce début du XXè siècle. Il n'est pas besoin de rappeler l'ancienne tradition textile du Cambrésis, les mulquiniers, fabriquants de batistes et linons. Au XIXè siècle, la production des mulquiniers est définitivement concurrencée par la production mécanique. Cependant le savoir-faire est là et la reconversion se fait en faveur de la broderie, à travers les premiers métiers à broder mécaniques. A la veille de la grande guerre, Caudry est devenue la capitale économique du cambrésis. La guerre met un coup d'arrêt à cette prospérité. Situation économique catastrophique, chomage. Eugène choisira plus tard de s'orienter vers l'assurance, ses frères, Charles, Adolphe, Cyrille, profiteront de l'essor du rail pour entrer à la Compagnie des Chemins de Fer.
Marie Antoinette a 19 ans. On retrouvera sa famille à la page Augustin Lefort et Marie Tamboise. Marie Antoinette est née le lundi 23 décembre 1895, Elle a une soeur, Odile, née l'année précédente.
Marie, puisque c'est ainsi qu'on l'appelle, est "sans profession", comme sa soeur Odile qui s'est mariée juste avant la guerre en 1914. Toutes deux sont issues du monde agricole, leur père Augustin,est un petit cultivateur . Si elles ont bénéficié de l'école obligatoire, elles n'ont d'autre avenir que celui de devenir une bonne épouse, bonne ménagère et bonne mère de famille.
Il n'est pas question pour Eugène et Marie de s'unir dans l'immédiat. L'avenir est trop incertain. Marie est mineure, la majorité est à 21 ans, Quant à Eugène, il est tout juste majeur. Depuis quelques années, 1907, précisément, la majorité matrimoniale a été abaissée de 25 ans à 21 ans pour les garçons, mais dans les campagnes ces nouvelles dispositions sont un peu plus longues à entrer dans les moeurs.
Une longue période de fiancailles, et de séparation les mènera jusqu'en 1920, date de leur noce. (1920 date de la création de"Mon homme"... j'imagine "mémé Marie chantant !)
Bien que clarysien de naissance, Eugène et sa famille habitent Montigny à la date du mariage. Ils y sont depuis quelques années avant la guerre, Ils habitent au lieu dit la brasserie, sur la route entre Clary et Bertry.
Constituer une dot est, jusque dans les années 20, un devoir social inéluctable, cependant la grande calamité de 1914 a apporté le trouble dans les moeurs matrimoniales. La région a été si durement touchée qu'on a peine à imaginer que le père de la mariée ait pu "mettre beaucoup d'argent de côté". Un contrat de mariage est signé "les futurs époux déclarent qu'ils ont dicté leurs conventions devant Monsieur Narcisse Lefebvre, Notaire à Clary, le 15 avril 1920.
Le "trousseau "est également fourni par la famille de la mariée. Une grande quantité de linge est necessaire, les lessives sont moins fréquentes qu'aujourd'hui. Le trousseau traditionnel , outre les vêtements de jour et de nuit de la mariée, se compose de plusieurs paires de draps et taies d'oreillers, une douzaine de serviettes éponges, 2 douzaines de torchons, des essuie-mains, plusieurs services de table (nappes et serviettes) en coton damassé.... la longue période de fiançailles aura largement permis à Marie de broder son trousseau.
les années d'après-guerre, bien que nommées "les années folles", ne sont pas des "années folichonnes" pour la région nord, durement touchée. Cependant les jeunes français ne manquent pas d'humour, comme en témoignent les deux cartes postales ci -dessous.
La noce
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La photo de noce : la photo de famille compte trente personnes (+ 1 chien).
Les jeunes gens se marient le samedi 24 avril 1920 à 11 heures, par un petit matin pluvieux, mais ne dit-on pas "s'il pleut le jour du mariage, les écus entreront dans le ménage".
Heureusement la mairie n'est séparée de l'église que par quelques dizaines de mètres de rue pavée
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C'est devant Alfred Tamboise (un parent à 4 générations), Maire de Montigny, que les promis échangeront leur consentement, en présence de Charles Delepine, frère et témoin d'Eugène, et de Raymond Sandras, beau-frère et témoin de Marie. Bien que depuis 1897, les femmes sont autorisées à devenir témoin, Marie n'a pas osé braver la tradition et faire de sa soeur Odile son témoin.
Le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son mari.
Eugène a 27 ans, Marie Antoinette 24 ans.
A cette époque, on ne se marie ni un vendredi, ni pendant le carême (en 1920 Pâques tombait un 4 avril) ni pendant le mois de mai qui est le mois de la vierge. Le garçon ne se marie que lorsqu'il est à même, de par son travail, de faire vivre femme et enfants.
Au début du XXe siècle les mères enseignaient à leurs filles que "le dévouement, la douceur, la tendresse, la bonté, la prévenance, la mansuétude et l'indulgence doivent être le lot des femmes, elles doivent trouver leur bonheur à s'oublier elle-mêmes..." (extrait d'une chronique de la revue France-Mode).Jusqu'à la fin du XIXe siècle, seule l'épouse est tenue de porter l'alliance, elle symbolise "les noeuds du mariage". Le port de l'alliance masculine entre dans les moeurs avec le XXe siècle mais ne répond à aucune obligation.
Bien que la mode soit de nouveau à la robe blanche depuis la moitié du XIXè siècle. Marie Antoinette arbore un tailleur strict qui pourra encore faire de l'usage. Les deux mamans sont tout de noir vêtues, C'est que les deux familles sont en deuil :
- Eugène à perdu son frère René en 1917, il avait 23 ans .
- Marie, la maman de Marie-Antoinette a perdu, en 1916, son jeune frère de 27 ans Désiré Tamboise .
Notez sur la photo deux détails dans le respect de l'usage de l'époque : d'une part, les mariés portent tous deux des gants blancs, d'autre part, ils ont évité les souliers lacés !
Les participants identifiés par un cousin généalogiste :
Le couple devient famille
Juin 1920, quelques signes, à peine perceptibles au départ, puis qui se précisent... aucun doute, à peine mariée de deux mois, et déjà, Marie est enceinte.
C'est pour elle un mélange de joie et de crainte. La naissance reste une épreuve. C'est un acte privé qui se passe essentiellement entre femmes. Rares sont les accouchements pratiqués par les médecins. C'est la sage-femme qui officiera . Il n'est fait appel au médecin que si un problème majeur survient. Sa soeur Odile la rassure, tout ira bien, comme pour la petite Raymonde (Sandras) née il y a tout juste un an.
Bien entendu l'accouchement se fera à la maison . Au XIXè siècle et dans le début du XXè, dans les milieux aisés, comme dans les campagnes, les accouchements se pratiquent à la maison. Accoucher à l'hôpital est un motif de honte, y échouent essentiellement les filles-mères.
Pendant tout l'hiver Marie préparera le trousseau de bébé et la layette.
Cet hiver a commencé par une vague de froid. Puis,à l'inverse, on bat des records de douceur. Le temps reste ensoleillé et sec. Contrairement à l'année précédente lors de la crue de la Seine. Maria, jeune soeur d'Eugène, domestique à Paris, leur avait raconté l'inondation, les difficultés pour circuler, la crainte que les eaux ne montent encore plus haut, comme en 1910. Rien de tout cela ce printemps 1921. Début mars le printemps est arrivé avec quelques semaines d'avance, il fait près de 20° sur la moitié nord du pays.
C'est alors qu'après de longues heures de travail, Marie accouche, à 2h de l'après-midi, d'un petit garçon. le 12 mars 1921. On l'appellera Léon, en souvenir du jeune frère d'Eugène mort à 5 ans en 1905.
Eugène et Marie-Antoinette, nous ont laissé quelques belles photos de la famille qui s'agrandit :
1926 : les enfants sont(de gauche à Droite) : Berthe, Léon et Marcelle .
Berthe est née deux ans après Léon en mars 1923. L'acte de naissance de Berthe nous apprend qu'entretemps Eugène a abandonné le métier de brodeur pour devenir agent d'assurance. Une année après Berthe en avril 1924, nait Marcelle. La photo ci-dessous prise en 1926 laisse à penser que grand-mère est à nouveau enceinte des jumelles Rolande et Laure. A ce rythme il n'est pas étonnant qu'elle semble "éteinte" et ait perdu ses jolies joues.
1927 : Le 16 juillet naissent, rue Emile Zola où la famille a déménagé, deux petites jumelles, l'ainée est Laure, la seconde Rolande. Si l'on s'en réfère à la législation!
Cela signifie que Rolande vient au monde la 1ère, suivie de Laure.
Laure semble de constitution moins fragile que Rolande, pourtant elle meurt en avril 1928 à l'age de 8 mois d'un problème pulmonaire.
C'est alors qu'Eugène et Marie-Antoinette, décident de faire photographier Rolande afin de garder un souvenir de Laure. La photo ci-dessous est donc un montage.
1930 : Léon et Berthe entre les parents puis Rolande Marcelle et Madeleine née en 1929, sur les genoux de sa mère.
C'est la dernière photo avec les cheveux longs pour les filles, ils seront coupés juste après et Eugène imposera une coupe plus pratique.
1932, Enfin un garçon à nouveau : naissance de Sylvain. Elle sera suivie par Adrienne en 1935 et le dernier Marc en 1938.
La famille quitte alors Montigny pour habiter Clary. Dans un 1er temps rue de la gare, puis elle s'établit où nous l'avons connue : rue Henri Bourlet prolongée, à l'ancienne "maison des repasseuses" les tantes d'Eugène, Oladie et Cyrénie Delépine toutes deux décédées au cours de l'année 1930.
1935 : a l'arrière plan (g à d) : Berthe, Marcelle et Léon , au mileu Madeleine et Rolande. Assis sur une malle en osier : Sylvain.
1939 : disposition identique. Adrienne est devant Eugène et Marc sur les genoux de sa mère.
C'est la dernière photo officielle de la famille entière : les aînés seront bientot en âge de se marier, la guerre dispersera la famille. Notre pauvre grand-mère n'a pas 44 ans et elle a eu 9 enfants !
Aucun d'eux n'aura une famille nombreuse.
Date de dernière mise à jour : Sam 29 août 2020
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