Cetait au temps ...

Marie Ségard de Cattenières

               « L’homme est né pour la peine, comme l’oiseau pour voler »

Job 5 :7

Ella a bien besoin de réconfort, Marie, en ce samedi 21 janvier 1702. Ce réconfort elle va le chercher dans la prière, auprès de la bonne mère de Dieu, la Sainte Vierge dont elle porte le prénom. Il est vrai que beaucoup d’enfants de Cattenières portent le prénom de la sainte patronne de la paroisse « Notre-Dame de Cattenières »

Marie FORRIERE, petite silhouette menue toute vêtue de noir, emmitouflée dans des châles qui ne suffisent pas à la protéger de la bise, marche doucement vers l’église,  courbée tant par la fatigue et le froid que par le poids du malheur. Je ne saurais lui donner d’âge. A 45 ans les femmes sont déjà vieilles. Le cheveu gris, la bouche édentée. « Un enfant, une dent » le dicton n’est pas loin de la vérité.

C’est là que je la croise près de la porte d’entrée. Elle a traversé le petit cimetière où s’alignent pèle-mêle petits tumulus parfois entourés d’une grille et pierres tombales.

Marie n’est pas seule, elle est accompagnée de deux enfants de 10 à 12 ans, tout aussi transis de froid que leur mère.

Maladroitement j’essaie d’entamer une discussion en m’extasiant sur le magnifique clocher de ce village. Ma tentative tombe à plat. Marie a visiblement d’autres préoccupations que l’architecture locale.

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Elle me sourit tristement :

 « C’est vrai que notre église est bien belle, et qu’elle est visible de tous les points de la paroisse. Après mes parents c’est mon mari que Dieu a rappelé ici sous sa protection » dit-elle d’une voix lasse en me désignant d’un geste vague le cimetière qui nous entoure.

Ses parents sont « partis » il y a bien longtemps ; déjà il ne reste rien de leur passage.

Le père Pierre SEGARD, laboureur fut échevin de la paroisse, il avait été nommé par le seigneur pour rendre la justice sur ses terres.

 La mère Jeanne FARRE était une petite-fille d’Olivier FARE, un chevalier  renommé que Marie n’avait pas connu mais dont elle avait beaucoup entendu parler par son propre grand-père Claude FARRE.

 

La jeune femme avait épousé Pierre FORRIERE en 1681, un contrat de mariage avait scellé leur union. Le couple vivait plutôt confortablement, laboureurs, ils n’étaient pas les plus mal lotis du monde paysan. Pierre avait lui aussi eu l’honneur d’endosser la fonction d’Echevin entre 1697 et 1699.

Mais voilà Pierre est mort et les malheurs s’accumulent. Les créanciers, tels des vautours, se déchaînent. La veuve encore jeune se retrouve seule avec cinq enfants mineurs. En Novembre dernier elle a dû, sous la tutelle de son beau-frère Antoine FORRIERE, consentir à vendre une parcelle de terre pour faire face :

« Vente de MARIE SEGARD à Jean Hutin le 18/11/1701 Remontre en toute humilité Marie SEGARD veuve de feu Pierre FORRIERE habitante de Cattenières, ont, qu'étant pressée par ses créditeurs de satisfaire aux dettes par elle et son feu mari contractées et pour éviter des gros intérêts dont elle est menacée par ses créditeurs en défaut de paiement n'ayant pas cependant de plus présent moyen pour y satisfaire qu'en disposant de quelques terres délaissées par son feu mari, et ne le pouvant sans permission. Fut à Philippe âgé de 20ans ou environ, Mathieu âgé de 17ans ou environ, Marie Jeanne âgée de 14 ans , Grégoire de 12 ans, Anne Jeanne âgée de 10 ans ou environ, enfants mineurs d'ans de feu PIERRE et d'encore vivante Marie SEGARD demeurant à Cattenières, créé et établi tuteur pour cette fois seulement de la personne d' Antoine FORRIERE demeurant audit Cattenières leur oncle paternel... »

Marie craint pour son avenir et  celui de ses enfants. Cela suffirait-il à éponger la dette ? De quoi seraient faits les lendemains ?

Sur ces mots elle me tourne le dos et pénètre dans l’église….

Epilogue

Le contrat de mariage de son aîné Philippe, en date du 31 décembre 1712, nous apprend qu’elle n’est plus de ce monde, sans autre précision.

« Philippe François FORRIERE, fils de feuz Pierre et de Marie SEGARD, demeurant CATTENIERES, assisté de François FIEVET son oncle allié et d'Anne Jeanne FORRIERE sa sœur, d'une part, et Marie Thérèse LERICHE fille de feu Philippe et de Jeanne BANTIGNY encore vivante demeurante Ligny, accompagnée d'icelle sa mère et de Robert LEPRESTRE son cousin »

Références er remarques

Pour mémoire le Rendez-Vous Ancestral est un exercice littéraire qui permet de mêler fiction et réalité. Si les dialogues et les sentiments prêtés aux protagonistes sont issus de mon imagination, les données historiques et généalogiques sont strictement réelles.

Marie SEGARD est ma "SOSA 2023", j’ai choisi d’évoquer cette rencontre éphémère par le biais du Rendez-vous Ancestral mensuel, parce que je ne peux et ne pourrai probablement jamais en savoir plus sur elle. J'en rappelle le principe : la rencontre et les dialogues sont totalement inventés mais les données généalogiques sont strictement exactes.

L'an dernier, j'avais évoqué son marie Pierre FORRIERE "SOSA 2022". Cela m'avait permis de mettre à jour plusieurs irrégularités constatées dans les arbres en ligne. L'acte de cession de terres de 1701 permet de recentrer la date de décès de Pierre FORRIERE  entre 1699 et 1701.

Voir ici :

 https://www.cetaitautemps.net/blog/pierre-forriere-mon-sosa-2022.html

https://www.cetaitautemps.net/blog/histoire-locale/famille-forriere-cattenieres.html

L'acte de

Je n'ai trouvé aucune information pertinente qui permette de dater la naissance de Marie SEGARD. Comme pour son époux je pense qu'elle n'est pas aussi jeune qu'on le prétend. Le mariage des parents se situe en 1650. J'ai pris la liberté de la vieillir un peu, cela n'engage que moi.

En ce qui concerne son décès, il est certain que toute date correspondant au 31 décembre 1712 est fausse !

 

 

 

Annexe : CM de Philippe Forriere

Cm ph forriere 1     Cm forriere 2

 

Cm forriere 3    Cm forriere 4

Date de dernière mise à jour : Ven 10 fév 2023

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Commentaires

  • Catherine Livet
    • 1. Catherine Livet Le Sam 21 jan 2023
    Nous arrivons là dans une époque bien lointaine ; il est souvent difficile d'en savoir beaucoup aux sujets de ces ancêtres.
  • Aline DOLE
    Très bel article, on se rend bien compte la vie dure que nos ancêtres ont eu.
  • Christiane Bruneau
    Bravo pour ce récit !
  • VERONIQUE ESPECHE
    Quand le RDVA fait aussi office de "à la rencontre du Sosa de l'année" ... Joli

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