Bacquet
Certaines branches de notre arbre, discrètes, presque invisibles, le petit-bois, cachent des vies qui ont tissé, sans bruit, le fil de notre histoire familiale.
Ce dossier est dédié à ces "rameaux cachés", ces ancêtres moins connus, dont les traces s’estompent au fil des siècles, parfois effacées par la rareté des archives, d’autres fois par le silence de l’histoire.
D’où vient ce nom ?
Le patronyme Bacquet (ou Bacquez) nous emporte sur les flots anciens d’un métier oublié : celui de passeur.
Car c’est bien du mot bac, ce petit bateau servant autrefois à franchir un cours d’eau, que dérive ce nom de famille. Un nom enraciné dans les rivières de l’ancien français, qui évoque à la fois le passage, mais aussi une petite cuvette servant à déssaler la morue...sans aucune rapport entre les deux, à priori.
Peu fréquent, ce patronyme se rencontre surtout dans la Somme, qui compte de nombreux étangs, et par ricochet — logique géographique oblige — dans l’Aisne, en pleine Picardie historique. Il s'agit d’un de ces noms de terroir façonnés par la géographie autant que par l’usage.
Pour "briller en société" sachez que cela s'appelle un aptonyme, néologisme forgé sur les mots "apte" (approprié, qui convient) et "onyme" (le nom).
Dans mon arbre
Dans mon arbre aux mille brindilles, le nom de Bacquet ne pousse qu’une seule fois : Jeanne BACQUET, née avant 1625 à Neuville-Saint-Amand, y épouse Armand Le Seible, natif du même village. Elle y vit toute sa vie, jusqu’à sa mort, le 12 novembre 1694. De ses parents, je ne sais rien. Aucun acte ne les nomme, aucun lien n'a permis de remonter plus haut. Pas de frères ni de sœurs identifiés non plus : Jeanne Bacquet surgit dans les registres comme une silhouette isolée, sans entourage connu. Cela s’explique par le contexte même de son époque :
Si l’ordonnance de Villers-Cotterêts, promulguée un siècle plus tôt en 1539, impose bien la tenue des registres de baptêmes en langue française, son application reste encore très inégale au début du XVIIe siècle. Dans bien des paroisses rurales, les curés continuent d’écrire en latin, parfois de façon approximative, parfois… pas du tout. On est aux premiers balbutiements de ce qui deviendra l’état civil français, et la France s’apprête à devenir, sans vraiment le savoir, le premier pays au monde à enregistrer la filiation de ses habitants.
L'arrière-petite-fille de Jeanne, Anne Denis, épousera en 1706 un certain Adrien Louvet, d’Alaincourt. Et c’est leur petit-fils, Marius Louvet, dit Germain, né en 1740, qui viendra s’installer vers 1775 à Bertry, dans le Cambrésis, y fonder une descendance de sept enfants avec Marguerite Gabrielle Sellier. Le rameau picard, dès lors, rejoint le tronc familial.
Où vivaient ils ?
Neuville-Saint-Amand, est un petit village picard, fondé par les bénédictins de l'abbaye de Saint-Quentin, au cœur de ce qui est alors, déjà, le royaume de France. Un détail qui mérite d’être souligné, car si Alaincourt partage la même appartenance, Bertry, dans le Cambrésis, ne deviendra français qu’un siècle plus tard, après bien des traités et des conflits.
L’histoire n’a pas été tendre avec Neuville-Saint-Amand. En 1552, quelques décennies avant la naissance de Jeanne, le village est ruiné par les troupes espagnoles. Les habitants, fuyant les violences, se réfugient à Saint-Quentin, la grande voisine. Il n’est pas invraisemblable que les grands-parents de Jeanne aient connu cet exode, ces toits brûlés, ces sillons piétinés, et que, dans la mémoire familiale, ces événements aient laissé des traces, murmurées au coin du feu, dan un picard rugueux.
Plus tard, c’est à Alaincourt, toujours en Picardie, que la lignée se poursuit. Ce village paisible, bordé par les méandres de l’Oise, devient la terre nourricière des générations suivante. Il fut autrefois un bourg nourri par l’agriculture et le tissage, un lieu de petites gens industrieux, d’artisans-laboureurs, d’ouvriers du fil et de cultivateurs … avant que l’un d’eux, Marius dit Germain, ne parte fonder racine à Bertry.
Dans quel monde vivaient ils ?
Jeanne Bacquet a grandi dans une région marquée de longue date par les tensions religieuses. À Saint-Quentin, la Réforme protestante a soufflé un vent de division. En 1557, l’amiral Coligny, au service du roi de France, y soutient un siège héroïque contre l’armée espagnole ; capturé et fait prisonnier, il se convertit dà la réforme et devient un chef militaire du protestantisme, combattant la couronne. Il mourra assassiné lors des masssacres de la Saint Barthélémy en 1572. Cet épisode, marquera durablement la mémoire locale, mais des choix religieux de la famille Bacquet, aucune trace ne subsiste.
Dans la Picardie rurale du XVIIe siècle, les superstitions avaient la vie dure, dans un mélange de foi officielle et de croyances populaires, souvent transmises par les femmes. On se méfiait des chats noirs, des poules qui se mettaient à chanter comme des coqs, et surtout… des petits enfants trop sages, car on disait qu’ils attiraient la mort. Une toux sans fièvre ? Une voisine qu’on croisait sans qu’elle réponde au salut ? Une grêle soudaine ? Il n’en fallait pas plus pour soupçonner un envoûtement, un mauvais sort, ou une jalousie déguisée en bonjour.
Alors, pour protéger le nouveau-né, on glissait un couteau sous le matelas, on accrochait une griffe de taupe au berceau, ou mieux encore : on demandait à un homme né un vendredi saint et baptisé un samedi de Pâques de souffler trois fois sur l’enfant. Cela, c’était la garantie que le sort passerait son chemin.
Et si l’on croisait un crapaud sur le seuil, pas question de l’écraser ! On appelait la grand-mère : elle seule savait si c’était un simple batracien ou une âme punie, changée en bête à cause d’un serment non tenu. Car dans ce monde-là, on ne plaisantait ni avec les promesses, ni avec les bêtes…
Merci pour cette lecture. L' article vous a ému(e), intéressé(e), amusé(e) ou tout simplement été utile ?
Ecrivez-moi un petit commentaire, Seul le nom (initiales ou pseudo) est obligatoire. Si vous souhaitez que je vous contacte, pensez-à renseigner votre e-mail, je suis toujours heureuse d'échanger.
Le blog ne comporte pas de bouton « like » n’hésitez donc pas à manifester votre satisfaction en attribuant les cinq étoiles ci-dessous. C’est une belle façon d’encourager mon travail !
Date de dernière mise à jour : Mar 05 août 2025
Commentaires
-
- 1. Lescot M- Claire Le Mar 05 août 2025
Désolée ,je n'avais pas achever mon message. Je suis impressionnée par votre travail " chère cousine en généalogie" . Bravo et encore merci.-
- Dominique LENGLETLe Mer 06 août 2025
« Merci, ma "cousine" ! Je fais de mon mieux pour rédiger des articles qui ne soient pas trop techniques, afin d'intéresser à la fois les passionnés de généalogie et ceux simplement curieux de leur histoire familiale. »
-
- 2. Alain Thirel Dailly Le Mar 05 août 2025
Merci pour ce rameau. À bientôt
Ajouter un commentaire