Cetait au temps ...

Angèle Langlet et Eugène Taine

Photo du mois

Mettre un visage sur un nom, c’est une immense plus-value en généalogie.

Le défi « Photo du mois », lancé chaque 10 par le groupe Raconter sa Généalogie, invite à faire parler un cliché : souvenir, émotion ou mystère…

Parce qu’une photo, c’est le début d’une histoire à raconter.

 

Une mère de huit enfants n’a plus donné de ses nouvelles."

Quelques mots publiés dans Le Réveil du Nord du 8 janvier 1941.

Un simple entrefilet, noyé parmi tant d’autres drames,  qui sonnait comme un dernier appel lancé dans le vide, des mois après une disparition. À l'époque, les journaux regorgent d'appels désespérés pour retrouver des disparus de l'exode. Chaque situation, même dramatique, se noye hélas dans la multitude. 

Derrière cette annonce modeste, il y avait un visage, une famille, une histoire.

Angele langlet

Angèle Langlet 1882-1940

Née à Troisvilles en 1882, elle est la fille d’Antoine Langlet et d’Ozélia Heloir, sœur de Léa et de deux soldats morts pour la France, Antoine en 1917 et Paul 1918 — leur souvenir est rappelé dans ma rubrique Nos héros.

En 1907, elle épouse Eugène Taine, directeur de tissage à Bertry. Ensemble, ils élèvent huit enfants dans la foi et la solidarité familiale, valeurs auxquelles le couple est profondément attaché.

À l’automne 1939, pourtant, la sérénité de cette vie harmonieuse vole en éclats : C'est la guerre .
Pour éviter le chaos vécu lors de la Première Guerre mondiale, des plans d’évacuation ont été officiellement établis : départs organisés, routes balisées, départements d’accueil désignés. Tout semblait prévu.
Mais lorsque l'Europe s'embrase au printemps 1940, les événements dépassent toutes les prévisions. L’offensive allemande est fulgurante, les civils se retrouvent sur les routes dans un immense désordre, mêlés aux militaires en retraite.
 

Famille taine x langlet

l'Exode

C'est ainsi qu'on appelera bientôt ce qui était jusqu'alors "l'évacuation".
Le mot, emprunté à l'histoire biblique du peuple hébreu quittant l’Égypte, existait déjà dans notre langue pour évoquer des migrations lentes, comme l’exode rural du XIXᵉ siècle. Mais en 1940, il prend un sens nouveau, dramatique : celui d’une fuite éperdue sous les bombardements.

C'est dans ce contexte que la famille Taine évacue Bertry et passe par Amiens.

Le samedi 18 mai 1940, la ville subit un premier bombardement. Le lendemain, dimanche 19 mai, trois escadrilles achèvent de ravager le centre-ville. La gare du Nord est détruite, le cœur de la ville est en feu. Le préfet dénombre de multiples foyers d’incendie, une centaine de morts et de nombreux blessés.

 Angèle est de ceux là.  Elle se dirige vers un poste de secours pour y  être soignée. On ne la reverra jamais. Les recherches commencent avec son signalement :  Elle est vêtue de noir, porte des lunettes, n'a aucun papier d'identité sur elle. En vain. Elle a disparu au milieu de la panique et des décombres.
Ses proches continueront les recherches pendant des mois, des années, avant de renoncer. 

La famille

Marie Thérèse (1913-1971)

Taine marie therese epouse lohier
 

Gisèle (1911-1994)

Taine gisele epouse lheureux

Marguerite (1910-2002)

Taine marguerite epouse berdal

Simone (1908-2002)

Taine simone epouse noel richez

Bernard (1915-2002)

Taine bernard
 

Paul-Antoine (1919-2016)

Taine paul antoine

Gabriel (1925-2014)

Gabriel taine
 

Gérard (1926-2016)

Taine jean gerard

Eugène Taine 1883-1944

Son mari, Eugène Taine, tentera de poursuivre seul la route.

Fidèle à sa mémoire, il accompagnera ses enfants les plus jeunes jusqu’à leur vie adulte, assistant notamment au mariage de ses fils adolescents au moment des faits.

Une fois cette tâche accomplie,  rien ne le retiendra plus sur terre. Il se laissera doucement partir, et ds'éteindra quatre ans jour pour jour après la disparition d’Angèle, le 19 mai 1944.

Certaines absences parlent plus fort que bien des présences.

Eugene taine 1883 1944

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends...

Eugene taine et angele langlet

 

Mes plus vifs remerciements à  Bernadette Fruit Verin pour son aide et à Albert Parisi (famille Richez) pour les photos de famille.

Vous pouvez retrouver Antoine Langlet, Mort pour la France ICI   et Paul Langlet, Mort pour la France ICI

Article présenté dans le cadre du Généathème de mai 2025

"Cet anniversaire est une invitation à transmettre, à travers nos blogs, les traces que la guerre a laissées dans nos arbres...."

Je ne commenterai pas l'expression malheureuse d'armistice de 1945

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Date de dernière mise à jour : Ven 13 juin 2025

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Commentaires

  • Jean-Luc
    • 1. Jean-Luc Le Ven 30 mai 2025
    Au cours d'un bombardement en mai 1940 à Mariembourg (sud de la Begique) un monsieur a fait un malaise (une atteinte, une thrombose…) en voyant sa
    femme blessée à la tempe droite par un éclat d’obus (un triangle métallique) et au ventre : on a mis ce monsieur dans une ambulance militaire française qui passait, en oubliant de lui remettre ses papiers et on ne l’a jamais retrouvé… même en déterrant des personnes restées inconnues dans les cimetières des hôpitaux, ce qui en faisait une recherche très pénible. Mais sans preuve formelle de décès, « disparu » n’est pas « mort », la veuve n’a jamais touché une pension complète.
    • Dominique LENGLET
      • Dominique LENGLETLe Sam 31 mai 2025
      J'ai deux personnes de Caudry Clary disparues à Péronne, volatilisées dans un bombardement... on suppose !
  • Camille GABET
    • 2. Camille GABET Le Jeu 29 mai 2025
    articles très intéressants sur le passé de ces familles bertrésiennes que j'ai lus avec attention et qui ont rappelé des souvenirs à mon mari !
    • Dominique LENGLET
      • Dominique LENGLETLe Sam 31 mai 2025
      Merci beaucoup
  • Francois LENGLET
    Et pendant ce temps, mon père François LENGLET quittait Bertry pour la Belgique pour essayer de bloquer les Allemands . Il laissait sa femme Gisèle et son fils Paul à Bertry.:
    https://lenglet.blog/2024/07/26/1940-la-bataille-de-france-au-jour-le-jour-le-lieutenant-francois-lenglet-au-coeur-de-la-debacle/
    Quelques semaines après, Gisèle et Paul partiront en exode en Bretagne à Quinperlé (voir les articles suivants)
    Destins croisés
    Merci Dominique
    • Dominique LENGLET
      • Dominique LENGLETLe Dim 25 mai 2025
      Effectivement François ce fut un destin similaire pour nombre d'habitants du Nord de la France, et de la Belgique
  • CB
    • 4. CB Le Ven 23 mai 2025
    Ce texte , court, sobre, décrit clairement la situation et exprime très bien, avec sensibilité, le désarroi qui s'empara du père de famille. C'est émouvant et inspire le respect.
  • Marie-Laure Ahlgren-Aubry
    • 5. Marie-Laure Ahlgren-Aubry Le Ven 23 mai 2025
    Merci pour cette très belle lecture! J´ai vu aussi que nous avons plusieurs noms de famille en commun. Peut-être des ancêtres partagés??
    Cordialement, Marie-Laure
    • Dominique LENGLET
      • Dominique LENGLETLe Sam 24 mai 2025
      probablement, il me faudrait quelques détails pour vérifier, tu peux me joindre sur mail domiged59@gmail.com
  • Jocelyne Cathelineau
    • 6. Jocelyne Cathelineau Le Ven 23 mai 2025
    Bonjour, je n'ai pas l'habitude d'écrire sous pseudo, vous avez donc mon nom véritable ! J'habite dans les Deux-Sèvres qui pour leur part ont reçu pendant la dernière guerre beaucoup de réfugiés des Ardennes. Certains s'y sont fixés.
    Cette histoire est très touchante, et d'autant plus qu'elle est vraie ! Pauvre mari, de toute évidence veuf, qui n'aura même pas pu se recueillir sur la tombe de sa femme ni même savoir où elle était - et n'aura pas eu l'ultime consolation de reposer auprès d'elle. Et pauvres enfants.
    Vous avez raison d'exhumer cette histoire pour qu'on se souvienne de cette famille déchirée par la guerre et l'exode. Car... "le vrai tombeau des morts, c'est le coeur des vivants" (le grand Victor Hugo, encore).
    Jocelyne
    • Dominique LENGLET
      • Dominique LENGLETLe Sam 24 mai 2025
      Merci Jocelyne pour ces encouragements, cela me va droit au cœur
  • VERONIQUE ESPECHE
    Très belle épitaphe - si j'ose - de Victor Hugo qui résume à merveille ton texte

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