Aimable Delhaye (1775-1794)
Aimable Joseph Delhaye, un canonnier de la République.
Le 12 mars 1775, dans le village de Bertry, alors peuplé d'environ 1 500 âmes, naît Aimable Joseph Delhaye. Baptisé le jour même, Il est le fils de Philippe Delhaye et d’Anne Thérèse Louvet, un couple de mulquiniers, ces tisserands en batiste dont les métiers rythment la vie des foyers.
À sa naissance, il a une sœur aînée, Anne Thérèse (1772-1806). Plus tard viendra Anne Sophie (1778-1781), puis, bien des années après, Adeline Joséphine (1810-1814), issue du remariage de son père, devenu veuf, avec Anne Lenglet.
Avant la Révolution Française les armées royales étaient recrutées par enrôlement volontaire et racolage ou par un recrutement fort impopulaire des troupes provinciales -appelées milices- le tirage au sort.
Tout va changer brusquement. Dès le 16 décembre 1789, l’Assemblée nationale propose que la Garde nationale repose sur l'engagement volontaire, en accord avec les idéaux de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Cet élan patriotique culmine en 1792, lorsque la France, menacée par les puissances européennes coalisées, proclame « La Patrie en danger ». Mais la fougue l’enthousiasme ne suffisent pas à combler le manque de formation, la pénurie de matériel et la maigre solde. La jeune République est bien démunie.
Aimable Joseph et sa famille sont témoins de ces bouleversements. Depuis le recensement de 1790, les représentants du peuple se succèdent à la mairie, les biens des communautés religieuses et des seigneurs sont confisqués, certains villageois fuient par crainte des violences.
Aimable a dix-huit ans lorsque la Terreur s’installe. En 1793, la Convention décide que tous les hommes célibataires ou veufs sans enfant, âgés de 18 à 40 ans, sont en réquisition permanente pour l'armée. Le recrutement repose encore en partie sur le tirage au sort, et ceux qui y sont soumis sont appelés « conscrits ».
Aimable s’est-il engagé de son plein gré ou a-t-il tiré un mauvais numéro ? Le mystère demeure, mais le jeune homme devient canonnier dans l’armée républicaine. Les temps sont rudes : au nord, les coalisés prussiens et autrichiens menacent d’envahir la France. Après plusieurs revers, les troupes républicaines franchissent la Sambre le 18 juin 1794 et s’emparent de Charleroi, avant d’écraser l’ennemi à Fleurus le 26 juin. Cette victoire marque le début de la seconde annexion des Pays-Bas autrichiens.
Les soldats français sont alors envoyés à Bruges et à Gand pour se remettre de leurs épuisantes campagnes. Mais la guerre n’épargne personne, pas même les vainqueurs. La blessure, la maladie, l’épuisement ? Nous l’ignorons. Le 10 décembre 1794, Aimable Joseph Delhaye, canonnier de la République, s’éteint à Bruges à l’âge de 19 ans. Son acte de décès, maladroitement retranscrit sous le nom de « Dellet », est l’un des rares témoignages de son passage dans l’Histoire.
Aimable fait partie des oubliés de la Révolution, ces jeunes hommes fauchés loin de leur village natal. Rien que pour Bertry, ils sont une trentaine à mourir aux quatre coins de l’Europe – Belgique, Pays-Bas, Suisse, Italie, Espagne, Prusse. La plupart ne tombent pas au champ d'honneur, mais succombent à des maladies qui prolifèrent dans les camps et hôpitaux militaires : fièvre lente, typhus, dysenterie, hydropisie…
Aimable n’est pas le seul de sa lignée à connaître ce destin tragique. Son petit-cousin, André Auguste Joseph Delhaye, né en 1774, sert comme chasseur au 12e régiment. Il meurt d’hydropisie le 10 mars 1809 à l’hôpital militaire de Liège.
Les noms de ces jeunes hommes n’apparaissent sur aucun monument, aucune plaque commémorative. Ils ne seront pas célébrés sous l’Empire, ni même plus tard.
Pourtant, ils furent parmi les premiers à défendre la République, payant de leur vie un idéal encore incertain. Leur mémoire, discrète et fragile, mérite que l’on s’y attarde.
* Hydropisie : œdème généralisé.
**Ethisie : amaigrissement extrème.
***En août1789, la révolution éclata à Liège. L'abbaye Saint-Laurent vit passer l'état-major prussien venu rétablir l'ordre dans la cité, puis l'armée républicaine française considérée comme libératrice par la population, puis les troupes autrichiennes, victorieuses à leur tour en entrant dans Liège. L'armée française repris Liège alors que les moines s'étaient dispersés, beaucoup s'étant réfugiés en Allemagne. Les portes du couvent abandonné furent forcées pour y installer un hôpital militaire e1792. Le monastère fut officiellement fermé par le pouvoir révolutionnaire français en juillet 1794, et depuis cette date jusqu'à l'époque contemporaine, les bâtiments furent conservés grâce à cette mutation en hôpital militaire.
J'adresse un très Grand MERCI à Jacky Foubert pour m'avoir transmis ce précieux document relatif au décès d'Aimable Delhaye.
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Date de dernière mise à jour : Mer 12 mars 2025
Commentaires
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- 1. Christiane Bruneau Le Mer 12 mars 2025
tu vois, on trouve toujours un truc ! Pauvre Aimable, mort trop jeune.
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