Cetait au temps ...

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Rachel, la petite voix de Tharon

Elle s’appelait Rachel Ruth, un prénom biblique aux sonorités douces.

Elle vit le jour un 14 janvier 1928, à l’hôpital du boulevard Montebello à Lille. Troisième enfant de Salomon Angel et de Louise Elnekave, elle était la sœur cadette d'Isaac et Esther, et l’aînée de Joseph, Sarah,  Jacques,  et Yvonne.

En février 1938, alors âgée de dix ans, Rachel est inscrite à l’école du 100 avenue de la République à Paris. Pourquoi était-elle là, loin des siens, domiciliée au 79 rue Saint-Maur ?  Était-ce une parenthèse temporaire chez ses grands-parents Elnekave, pour soulager sa mère, occupée par les soins du petit dernier ? L’histoire n’en dit rien, et ses cousines, trop jeunes à l’époque, n’ont pas conservé ce souvenir.

En cette année 1938, Paris devient une escale dans sa courte vie, une adresse administrative dans un registre scolaire. Le destin, cruel et précis, a figé cette trace : Rachel est aujourd’hui reconnue administrativement  comme le premier enfant déporté du 11e arrondissement, en raison de son arrestation à Tharon-Plage, en Loire-Inférieure, enregistrée à la date du 15 juillet (sans aucune certitude) La rafle du Vel d’Hiv étant considérée comme postérieure puisqu'elle n’aura lieu que le 16 à Paris.

Mais qu’importe ? Rachel n’est pas un record, ni un repère chronologique. Elle est une absence. Une enfant de 14 ans que l’on a arrachée à la vie.

Comme tant d'autres, sa famille a fui le Nord en mai 1940, lors de l’invasion allemande, lorsque cette région est déclarée Zone interdite. L’exode pousse des milliers de familles juives ou simplement civiles à chercher refuge plus au sud. À Tharon-Plage, sur le littoral de Loire-Inférieure, des villas de vacances inoccupées sont réquisitionnées pour accueillir ces réfugiés. C’est ainsi que la famille Angel trouve asile dans une maison au nom poétique : Les Alouettes. Un nid précaire, un abri provisoire que la barbarie viendra bientôt fracasser.

C’est depuis ce coin de mer qu’elle écrit à sa grand-mère, elle-même réfugiée en Aveyron, une carte postale bouleversante de simplicité.

Dans son écriture appliquée d’écolière, elle prend des nouvelles, s’inquiète de l’absence de réponse, mentionne la santé de chacun, les examens, les petits tracas du quotidien. Elle parle de son certificat d’études, de l'école de sa petite sœur Sarah, de sa cousine Jeannette. De son père, "qui ne travaille pas", mais va peut-être "reprendre le travail". Rien ne laisse présager le destin funeste qui l’attend,  la tragédie silencieuse.

 L’ordinaire d’un été en bord de mer, suspendu à une correspondance familiale. Et au verso de la carte, ce petit mot, si touchant dans sa naïveté :

"Je vous embrasse bien fort de tout cœur. Affectueusement, votre petite-fille Rachel."

Un au revoir que la grand-mère a peut-être lu sans se douter qu’il serait le dernier.

 

Carte rachel angel recto

Carte rachel angel verso

 

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