Cetait au temps ...

Valet de Charrue

Valet de charrue entre le XVIIIè et le XIXè siècle :

 

Le valet de charrue est un domestique de ferme chargé d'une manière générale des travaux de culture dans les champs et non de l'étable ou de l'écurie.

Il est employé dans les grandes (plus de 40 ha)  exploitations agricoles les "censes", tenues par les "censiers".

La gestion de ces exploitations agricoles est très structurée. Elle se structurait autour de deux catégories, deux ensembles très différents du fait de leur statut social :

1- Les journaliers et autres manoeuvriers au statut précaire, appelés tâcherons, ou hommes de peine. Leur emploi etait lié à la saisonnalité, Ils cumulaient parfois  deux métiers, devenaient tisserand, mulquinier  à la morte saison, lorsque les champs etaient au repos.

2- Les domestiques et servantes, au statut relativement stable. Recrutés, "loués" pour un an minimum,

 Comme le rappelle en 1790 la Coutume de la ville de Lille et de sa châtellenie, "Tous les domestiques agricoles sont dans l’usage de s’engager à la campagne pour un an" .

 Ils bénéficient généralement du gîte et du couvert. Ils sont assurés du lendemain. Ils perçoivent des "gages" C'est ainsi qu'on appelle l'appointement des domestiques, gages augmentés parfois de "gratifications" . L'embauche peut se faire à la Saint Jean, à la Saint Michel ou à la Toussaint, Elle se concrétise uniquement sous forme de contrat verbal. Cela explique que l'on choisisse une date phare, comme repère.

Il existe une hiérarchie dans la domesticité. Ainsi le valet de charrue est "le grand valet" , par opposition au petit valet.

Qu'est ce qu'un bon valet de charrue ?

« Un valet de charrue doit être fidèle, prompt à exécuter les ordres du maître, vigoureux, doux et adroit à conduire ses chevaux »  -Louis Rose, agronome, extrait de son ouvrage : "Le bon fermier ou l'ami du laboureur"- Le valet de charrue sera chargé de labourer, de présider à la récolte, de faire fumer et charrier les engrais, faire essarter, épierrer la terre, la herser et la rouler. Il sait réparer le matériel, tient les écuries propres et s’occupe des chevaux.

En effet, c’est sur le valet que reposent bien souvent les livraisons des différentes productions de la ferme, mais surtout les labours et les hersages grâce à une lourde charrue tirée par quatre chevaux. Ces tâches sont de première importance, car la plupart des censes de la région sont largement orientées vers la culture céréalière et les cultures industrielles (lin, colza, chanvre).

Le recrutement se fait par le bouche à oreille ou la "candidature spontannée" le domestique vient proposer ses services à la ferme. Les besoins sont immenses, aussi les domestiques n'hésitent pas à changer régulièrement d'employeur. L'instabilité de la main-d'oeuvre est considérée comme une menace constante pour l'exploitation. Plus de la moitié des contrats annuels ne sont pas renouvelés.

Il est très difficile d'établir le parcours type d'un valet de charrue, nous manquons de documents. S'il existe des sources nombreuses pour ce genre d'enquête ( documents notariaux ou judiciaires) elles ne reflètent qu'un instantané de cette vie, elles ne représentent jamais tout un parcours de vie.

Le faible niveau d'alphabétisation dans les campagne exclut l'idée que l'on puisse trouver "les mémoires d'un valet de charrue" ou le vrai " journal d'une femme de chambre" (dont je rappelle qu'il est l'oeuvre d'un romancier, sous la forme de journal)

Cependant, il existe une exception en France, Les mémoires d'Adrien Thueux.

Adrien Thueux (1757-1816) est valet de charrue en Artois. Sur la fin de sa vie il est engagé comme domestique auprès d'un curé qui lui apprendra à lire et à écrire.

Adrien Thueux note dans ses Mémoires « que depuis cette année 1772 jusqu’à 1801, [il a] toujours servi mais en différentes maisons et villages. 

Quelles sont les principales raisons de cette "instabilité" en dehors de la maladie et la mort, bien évidemment :

La jeunesse : 

Emmanuel Todd, après avoir étudié le cycle de vie des ouvriers agricoles du village de Longuenesse dans l’Artois, estime « qu’un individu moyen doit séjourner dans au moins deux ou trois villages différents avant d’atteindre l’âge de se marier, et ces séjours permettent la recherche d’un conjoint ».

Même si cette recherche ne se fait pas de manière consciente, les grandes fermes jouent en quelque sorte le rôle d’agences matrimoniales . 

La précarité : 

Bien qu'ils bénéficient du logement et de la nourriture, les rémunérations restent faibles. L'offre de travail étant importante, le valet de charrue cherchera un nouveau censier qui fera progresser sa situation. Toutefois il existe également  un système de promotion interne. 

"Après avoir été « petit valet » pendant plus de trois ans à la cense du Verbois à Neuville, je me suis mis garçon de charrue et j’ai prit la deuxième attelée du Verbois ", relève Adrien Thueux à la mi-janvier 1779.

L'ambiance :

le climat est parfois délétère, conflits patrons-domestiques, ou conflits entre domestiques en fonction de la hierarchie.

« Tous domestiques [doivent] porter obéissance et respect à leurs maîtres »  les brimades les vexations, les mauvais traitements ne sont pas une exception dans cette région où la nette supériorité socio-économique conduit certain fermiers à considérer le reste de la paysannerie comme des "moins que rien".

Andrien Thueux se remémore: « Je ni étoit pas bien, je souffrois plus des domestiques que des maîtres » il qualifie par ailleurs ces derniers de braves gens.

Un tournant va s'amorcer au Second Empire pour s'amplifier jusqu'à la fin du XIXè siècle : c'est l'apparition de la mécanisation du travail agricole.

La généralisation de la charrue Dombasle d 'abord, l'emploi des batteuses puis, vers 1880, les faucheuses, moissonneuses va réduire le volume de l'emploi.

Un article de presse en date du 20 novembre 1850, fait état de primes et médailles versées par Monsieur Jean-Baptiste Tamboise, ferme du Tronquoy. 

Prime de 50 Francs et médaille de bronze pour les domestiques de ferme : Aimable LESAGE 41 ans de service et Marc ROSSIGNOL  40 années de service. 

Ferme tronquoy prime employes 1850

 

 

 

 

 

 

 

 

Date de dernière mise à jour : Jeu 22 juil 2021

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Commentaires

  • Contarin Alfred
    • 1. Contarin Alfred Le Mar 09 avr 2024
    Si cela est possible je peux porter témoignage , sur le sujet, car sa vie durant , mon père fut Maître Valet Agricole , il percevait des gages comme salaire , et il était logé gratuitement avec sa famille . L'année avait court du 1er novembre au 31octobre de l'année suivante .
    Ce que l'ion appelait donc "La Toussaient .
    Le seul problème était celui des enfants éventuels, car lorsqu'ils arrivaient a leur nouvelle école , ils étaient "les nouveaux", que de brimades .....et si de plus est , ils étaient étrangers, et italiens par exemple comme ce fut mon cas ...... mais bon , les paroles glissaient par dessus le tablier gris , c'était parfois gentil, mais bien souvent blessant. Tout cela est oublié , mais l'amour de la terre ne m'a jamais quitté, sur un autre volet , j'ai monté une exposition présentant les outils de la forge et des forgerons , ainsi que tous les ouvriers , et autres œuvriers qui avaient l'enclume et le feu comme lien commun.
    • Dominique LENGLET
      • Dominique LENGLETLe Mer 10 avr 2024
      Merci beaucoup pour ce beau témoignage

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