gorelier
Pierre Pruvos, ch'gorlier de Bertry
Dans la ruelle étroite de Bertry, une odeur chaude et persistante flotte dans l’air : celle du cuir tanné, mêlée à la graisse animale et à la fumée de suif. C’est là qu’on trouve l’atelier de mon ancêtre Pierre Pruvost, né vers 1664, fils de Melchior Prévost et de Jeanne Boursier. Pierre n’est pas un simple artisan : il est gorelier — ou plutôt, comme on le dit ici avec l’accent du Cambrésis, « ch’gorlier ».
Dans le reste de la France, on parlerait de bourrelier. Mais chez nous, tout le monde sait qu’on va « chez ch’gorlier » quand le collier du cheval lâche, que la bride casse ou qu’une sangle doit être refaite. Le mot change, mais les gestes restent les mêmes : tailler, percer, coudre, assembler.
En poussant la porte, on découvre un monde où tout respire la solidité et le travail des mains :
- des cuirs épais tannés à l’écorce de chêne,
- des alènes pour percer les sangles,
- des bobines de fil de lin enduit de poix,
- des boucles de cuivre soigneusement alignées,
- et, suspendus aux poutres, des colliers de trait en cours de montage.
Un monde qui dépend du cheval
Le rôle de Pierre est vital : ses colliers garnis de paille de seigle, recouverts d’un cuir assoupli à la graisse, doivent être solides et confortables. Car un mauvais harnais blesse l’animal… et un cheval blessé, c’est un labour retardé, une récolte compromise.
Au XVIIe siècle, Bertry est déjà un gros bourg du Cambrésis, bien vivant. Les moulins tournent, les estaminets s’animent, les cloches sonnent les vêpres, mais la vie reste rude. Les chevaux de trait sont l’outil vital de la communauté : ils portent les sacs de grains, tirent les charrettes de lin et de houblon, acheminent les barriques de bière jusqu’aux villages voisins.
Le gorelier n’est pas qu’un simple artisan : il est l’un des maillons essentiels de l’économie locale. On vient frapper à sa porte dès qu’une bride casse, qu’une courroie cède ou qu’un collier s’use. Dans cette économie agricole, ch’gorlier est l’homme-clé. Les cultivateurs frappent à sa porte été comme hiver Dans les longues soirées d’hiver, il travaille à la lumière tremblante de la chandelle, préparant les commandes pour les labours du printemps.
Une longue vie d’artisan… et une mémoire familiale
Pierre Pruvost s’éteint en 1747. Selon les calculs, il aurait alors environ 83 ans… mais, faute de connaître sa date exacte de naissance, il faut rester prudent. Si tel est bien le cas, quelle longévité exceptionnelle pour son époque ! Et quelles scènes il a dû voir défiler sous ses yeux : des générations entières de paysans, de chevaux, de semailles et de moissons…
Pierre est mon aïeul à la 11ᵉ génération. Marié à Antoinette Rousseau, il fonde un foyer qui comptera quatre enfants : deux garçons et deux filles. Pour autant, les archives restent muettes sur la transmission directe du métier : aucune preuve ne nous assure que l’un de ses enfants a pris sa relève dans l’atelier.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car, en suivant les branches de l’arbre familial, je retrouve la trace de son petit-fils, Pierre Médard Roquet, qui, lui, reprend le flambeau. Le cuir, les colliers, les harnais… tout un savoir-faire qui s'est transmis.
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Date de dernière mise à jour : Ven 05 sept 2025
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