Cetait au temps ...

Charles Eugène Delépine en 14-18

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Parmi les trois frères Delépine partis sous l’uniforme, affronter la Grande Guerre, Charles Eugène, né le 30 décembre 1891 à Bertry, est le premier à être appelé sous les drapeaux. En 1912, il n’a que 20 ans et la vie devant lui. Mais il va connaître, plus tôt que prévu, les blessures visibles et invisibles d’une génération sacrifiée.

1912 – Le conseil de révision

Le 28 août 1912, Charles se présente devant le conseil de révision.
Il déclare exercer le métier de cordonnier. Mesurant 1,69 m, la teint pâle, il porte une cicatrice à l’extrémité du majeur droit : une marque infime, mais que l’armée consigne soigneusement.

Ce jour-là, il est classé soutien de famille.

L'incorporation

Dans une fratrie de douze enfants, Charles est l’aîné : il est logique que l’administration militaire considère que son père, seul, ne peut assurer la subsistance du foyer. En théorie, ce classement pouvait permettre un sursis d’incorporation, voire une dispense.Pourtant, à peine deux mois plus tard, le 10 octobre 1912, Charles est incorporé à la 1ʳᵉ section d’infirmiers militaires à Lille, comme soldat de 2ᵉ classe.  Les besoins de l’armée priment sur les difficultés familiales.

Affecté d’abord dans le service auxiliaire pour « varices », Charles est classé soutien de famille le 28 août 1912. Pourtant, dès le 10 octobre 1912, il est incorporé à la 1ʳᵉ section d’infirmiers militaires à Lille, comme soldat de 2ᵉ classe.

En temps normal, Charles aurait dû terminer son service militaire et regagner la vie civile à l’automne 1914. Mais le destin en décide autrement. Son temps n'est pas encore terminé lorsque la mobilisation générale est décrétée le 1er août 1914 : Charles ne connaîtra aucun retour à la maison. Son uniforme d’infirmier, enfilé en octobre 1912, il ne le quittera pas : il passe directement de la caserne à la guerre.

Dans l'enfer de la guerre

Le 31 octobre 1914, Charles, d’abord affecté au service auxiliaire pour raisons médicales, est reclassé service armé par la section spéciale de Mayenne-Laval.

À partir de là, il plonge dans le chaos des hôpitaux de campagne. Pour imaginer ce qu’il vit, il suffit de relire le carnet de guerre d’Émile Déchirot, infirmier dans sa même unité :

«"De 1 heure jusqu’au soir, plus de 200 blessés nous arrivent.  iIs ont été fauchés par la mitraille ou dans les tranchées de Boussois, ou dans la plaine entre Boussois et Erquelines. Quel spectacle lamentable et que de sang versé ! Jambes et bras fracturés, têtes en bouillie, pantalons, capotes et képis troués de balles et d’éclats d’obus, douleur peinte sur tous les traits.

On fait rapidement les premiers pansements et la troupe des infirmiers se précipite pour caser tout ce monde qui, sans crier gare, nous envahit . La nuit naturellement se passe dans l’insomnie complète, j’étais en effet obligé de courir d’un lit à un autre lit, d’une salle à une autre salle. Des malheureux que je soignais et qui souffraient atrocement me demandaient en suppliant de les achever, pour immédiatement mettre un terme à leurs tortures et moi, je les consolais de mon mieux, leur disant de penser à leur femme, à leurs enfants, à leur mère, pour lesquels il devait vivre..." -» - source Carnet de guerre d'Emile Dechirot

Sur les champs de bataille

1915 – Champagne, sang et boue

En 1915, Charles est affecté à la réserve du personnel sanitaire de la 4ᵉ armée. On peut supposer qu’il participe aux engagements de Champagne, où les assauts se succèdent sans relâche. ((Pour les passionnés, le site “Chtimiste” offre un remarquable travail de reconstitution de ces batailles.)

1916 – La Meuse et Verdun

Le 1ᵉʳ janvier 1916, il rejoint la 7ᵉ section d’infirmiers militaires à Dole.

Cette année-là, Verdun devient synonyme d’apocalypse. Des centaines de milliers d’hommes tombent, et les brancardiers comme Charles ne cessent de courir d’un corps à un autre, dans une guerre où les vivants ressemblent déjà à des fantômes.

1917 – De l’hôpital aux tranchées

Le 16 mars 1917, Charles est muté au 92ᵉ régiment d’infanterie, puis le 9 juin 1917 au 120ᵉ R.I..

Le 14 juin, il est affecté à la 1ʳᵉ compagnie médicale. Son corps déjà usé commence à ceder

 

1918 : le corps lâche, l'esprit vacille

L’année 1918 marque le point de rupture.

  • 19 février 1918 : évacué malade, Charles entre à l’hôpital central de Bar-le-Duc pour faiblesse générale.
  • 25 mars 1918 : il en sort, prend 20 jours de permission, puis rejoint son régiment le 21 avril.
  • 11 mai 1918 : nouvelle évacuation pour crises nerveuses. Le diagnostic tombe : crises convulsives névropathiques. Après 10 jours de permission, il retourne malgré tout à son unité.
  • 23 août 1918 : troisième évacuation, cette fois pour hématurie (saignements urinaires). Charles est admis à l’hôpital complémentaire du lycée de Grenoble jusqu’au 18 septembre.
  • 16 octobre 1918 : il est renvoyé en formation sanitaire.
  • 14 novembre 1918 : il rejoint son corps… trois jours après l’armistice. Il sera démobilisé le 02 avril 1919.

Ces allers-retours entre le front, l’hôpital et les permissions disent tout de la dégradation physique et psychique de Charles. Les médecins de l’époque parlent de « crises névropathiques » ; aujourd’hui, nous dirions névrose traumatique de guerre.

La Grande Guerre est en effet le premier conflit où l’on prend réellement conscience de l’impact psychique des combats. Devant l’afflux massif de soldats présentant les mêmes troubles — tremblements, insomnies, phobies, pertes de mémoire, crises convulsives — les médecins militaires comprennent que le problème n’est pas une question de volonté ou de courage : c’est une blessure invisible.

À l’époque, les traitements restent balbutiants, allant de simples repos en hôpital de campagne à des méthodes plus brutales comme les électrochocs. Mais c’est là que se posent les fondations de ce que nous appelons aujourd’hui la prise en charge du stress post-traumatique

La croix de guerre

Le 16 août 1918, Charles est cité à l’ordre du régiment :

« Faisait partie d’une reconnaissance d’un village, a rempli sa mission avec zèle et a fourni de précieux renseignements. Belle attitude au feu ! »

Pour cet acte de bravoure, il reçoit la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Rappelé en août 1939, Charles est classé service auxiliaire :  « Avis défavorable : tremblements, hernie inguinale. » Il a alors 48 ans. La Première Guerre mondiale ne l’a jamais quitté.

Malgré les séquelles physiques et nerveuses laissées par la Grande Guerre, Charles a su poursuivre sa route. La vie ne l’a pas épargné, mais elle lui a offert d’autres bonheurs : il se mariera par trois fois. Pour découvrir la suite de son histoire, vous pouvez consulter l’article qui lui est consacré :Charles Delépine 

Charles delepine changement

 

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Date de dernière mise à jour : Jeu 11 sept 2025

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Commentaires

  • Philippe lecoq
    • 1. Philippe lecoq Le Ven 23 jan 2015
    Pouvez vous m'envoyer une photocopie de document merci

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