Célénie Taine (1825-1858)
Le mercredi 6 janvier 1858, s’éteignait dans la misère et la solitude à l’Hôtel Dieu de Saint Quentin, une jeune femme célibataire, âgée de 32 ans, originaire de Bertry (Nord). Tisseuse, elle logeait tout près de là au 6, rue d’Orléans, aujourd’hui Pierre Brossolette.
Elle était entrée à l’hôpital quelques jours plus tôt pour y mettre au monde un enfant de sexe masculin, né sans vie le 2 janvier. Cette grossesse et l’ accouchement avaient eu raison de sa santé et de sa vie. C’était la fin d’une triste histoire.
Une famille bertrésienne
C’est dans une société en pleine mutation que se crée, en 1816, une nouvelle famille par le mariage de Constantin Taine et Félicité Danjou. Tous deux ont connu la révolution française et ses années terribles, dans leur enfance, puis l’empire et les guerres et le blocus continental aux conséquences économiques lourdes.
Issu d’une famille de mulquiniers (tisseurs de batiste ) comme la plupart des artisans du Cambrésis, Constantin verra son activité décliner et progressivement être remplacée par la mécanisation. Dès 1815 le premier métier à tulle anglais sera installé dans le Nord , introduit clandestinement, pièce par pièce.
Constantin devra se trouver une activité de complément ou de substitution, il deviendra garde-champêtre.
Coiffé de son bicorne le fonctionnaire est le gardien de l’ordre et de la propriété en monde rural. La loi du 8 juillet 1795 a rendu sa présence obligatoire dans toutes les communes rurales.
Les conditions de recrutement sont précises, en théorie. Les hommes doivent avoir au moins 25 ans, savoir lire et écrire, avoir une bonne condition physique, faire partie des vétérans nationaux ou des anciens militaires pensionnés ou munis de congés pour blessures. Je ne puis pas affirmer que notre père de famille souscrivait à tous les critères.
Constantin Taine et Félicité Danjou auront dix enfants sur presque deux décennies entre 1816 et 1835, dont quatre ne dépasseront pas la prime jeunesse.
A une date indéterminée, comprise entre 1838 et 1844, la famille quitte Bertry pour s’établir à Le Cateau.
Le petit bourg, situé à moins de 10 km de leur village a réussi sa reconversion en se dotant d’usines modernes, dont la manufacture de châles en cachemire et mérinos de Mr Paturle, rebaptisée Seydoux un peu plus tard.
C'est très certainement pour cette raison que toute la famille s'y installe, d'autant que le savoir-faire des anciens artisans est très recherché et apprécié.
Célénie, une vie ponctuée de malheurs.
De son nom complet Anne Joseph Célénie, la petite fille voit le jour en cinquième position le samedi 19 février 1825. Comme la plupart des enfants du XIXe siècle, elle travaille dès l’âge de 10 ans, peut-être moins. Elle deviendra tisseuse. Nous ne saurons pas si elle a appris quelques rudiments de lecture et d’écriture à l’école.
Le 19 avril 1846, elle met au monde au domicile de ses parents, rue des fusiliers, un petit Alexis né de père inconnu qui mourra après trois mois.
Quelques années plus tard, en 1852, naîtra une petite fille, Marie Célénie, également de père inconnu. L’enfant ne vivra que 18 mois.
Viendra ensuite Charles, né en juin 1855 dans les mêmes conditions. Le bébé succombera neuf mois plus tard.
Elle partira ensuite vivre à Saint-Quentin où s’est mariée sa sœur Adèle. C’est là qu’elle mettra au monde, toujours de père inconnu, le dernier enfant qui lui coûtera la vie en 1858.
(l'illustration ci-dessus est réalisée par l'IA de Canva....."femme éplorée avec 4 jeunes enfants au 19è sièce". C'est encore perfectible !)
Je cumule rien moins que quarante-quatre ancêtres en commun avec la jeune femme. je vous présente ci-dessous deux échantillons
L’un à travers Timothée Taine (1652-1724), par les Pruvot.
L’autre à travers Joseph Taine ( ~1716-1800), par les Fruit.
Alors, qui était Célénie ?
Une « fille perdue », une Marie-couche-toi-là, selon l’expression de l’époque, ou une « pauvre fille » un peu paumée, peut-être fragile d’esprit, dont abusèrent des hommes ?
Et que penser de ces quatre poupons qui n’ont pas vécu ? Furent-ils délaissés par une mère incapable de s’en occuper ou victimes d’une tare congénitale ?
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Date de dernière mise à jour : Sam 10 fév 2024
Commentaires
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- 1. Catherine Livet Le Lun 12 fév 2024
On se demande ce qui a pu se passer pour arriver à un tel taux de mortalité.-
- Dominique LENGLETLe Mar 13 fév 2024
Peut-être, était -elle tout simplement incapable, psychologiquement, de s'en occuper. Ce qui me surprend, c'est qu'elle n'était pas isolée dans une ville, elle était entourée et vivait dans sa famille. On ne peut pas exclure l'hypothèse de l'inceste, que je n'ai pas évoqué dans mon article.
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- 2. Méloë Le Lun 12 fév 2024
L'histoire de Célénie est bien triste mais c'est le bon côté des blogs de généalogie : ils permettent de faire sortir de l'oubli des ancêtres et de leur rendre hommage bien des années plus tard. -
- 3. Hélène FRERET Le Sam 10 fév 2024
Cette pauvre Célénie méritait bien que tu lui redonnes un peu vie par ce bel article. -
- 4. TAINE Francis Le Sam 10 fév 2024
Evidemment l'article ne peut pas faire sourire
Les conditions de vie à cette époque étaient très très difficiles (hygiène, médecine absente, extrême pauvreté etc etc)
La mortalité enfantine en fut une conséquence jusque ne l'oublions pas le début du 20 ème siècle après l'invention de la pénicilline
Comment juger de l'époque actuelle la dure vie de cette jeune fille ?
Impossible-
- Dominique LENGLETLe Lun 12 fév 2024
L'histoire, la vie de Célénie est quand même assez extraordinaire, et heureusement ne reflète pas la généralité de la condition féminine de cette époque. En tout cas je ne pense pas que les conditions d'hygiène suffisent à expliquer les 100 % de mortalité sur ces 4 enfants nés sans père.
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- 5. Christiane Bruneau Le Sam 10 fév 2024
Même en retard, cette histoire est intéressante. Tout coule de source avec toi . bravo ! il aurait été dommage de la rater.
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