Cetait au temps ...

Victor Farez (1893-1915) et ses frères

Victor Farez, Mort pour la France

 

1er Aout 1914. Mobilisation Générale. La guerre contre les « Boches » est déclarée. C’est comme ça qu’on les appelle ici  depuis qu’on a eu affaire à eux en 1870.

Victor a eu 20 ans quelques mois auparavant, le 9 décembre 1913. 20 ans « le bel âge » disent les anciens. L’âge de l’amour, des projets. Et pourtant il n'a jamais été aussi difficile de se projeter dans l'avenir car celui-ci n'a jamais été aussi incertain.

C’ est le troisième enfant de François FAREZ  marié à Aimée HENNINOT. La fratrie compte neuf frères et sœurs, six garçons et trois filles.

Ses deux frères aînés François et Henry sont eux aussi « bons pour le service armé », l’expression qui lui vient est plutôt « bon pour le casse-pipe ».

C’est bien fâcheux tout ça, les parents sont âgés, le père, François, a déjà 61 ans quant à  la mère, si elle n’a que 55 ans, elle est usée par le travail et les grossesses.

La famille vit d’une double activité. Ils sont tisseurs et cultivateurs, aucun des deux métier ne suffit à lui seul pour les faire vivre correctement. C’est le lot de la plupart des habitants de ce canton.  Devoir se passer de trois paires de bras ne va pas aller sans peine. La plus jeune des enfants Irène a tout juste 12 ans.

C’est le cœur lourd qu’ils abandonnent leur famille, leur bonne amie, le village, dont les champs de blés parsemés de coquelicots et de bleuets annoncent la moisson toute proche. Qui va couper les blés ? Rentrer le foin et la paille ? Heureusement ils seront de retour pour les labours. Ils vont leur mettre la pâtée aux « fridolins » !

Wm colorize carte postale ancienne 03 la coupe du ble a la main 1913 paysans et metiers de la campagne

Victor est cultivateur, ses deux frères, François et Henry sont mécaniciens. Henry est également chauffeur, il a obtenu son certificat de capacité, l’ancêtre du permis de conduire.

Tout ce petit monde deviendra canonnier dans divers régiments d’artillerie de campagne. Ils endosseront l’uniforme bleu nuit, moins salissant que le pantalon garance des fantassins, le képi, le lourd barda, les bottes de cavalier - ou les godillots cloutés des artilleurs à pied -.

Ils serviront le fameux canon de 75, fierté de l’armée française.

Au début de conflit, pendant la guerre de mouvement, les artilleurs sont un peu les mal-aimés par rapport aux fantassins. L’infanterie est alors considérée comme  l’arme reine, en première ligne face à l’ennemi, alors que l’artillerie vient en appui en deuxième ligne. Les premiers ne peuvent pas faire sans les seconds mais ils auront souvent tendance sinon à  les mépriser, du moins à les prendre de haut. Les mentalités évolueront à partir de 1915/1916, lorsque la stratégie aura changé et que l’armement aura progressé vers une artillerie de plus en efficace.

Les premières semaines du conflit auront vite fait d’ôter les illusions de nos soldats qui tombent foudroyés par la puissance de l’artillerie ennemie. Le 22 août 1914 sera la journée la plus sanglante de toute l’histoire de France. Ce jour là 27000 soldats français perdront la vie. Dans le mois qui suivra, la France perdra deux écrivains célèbres, Charles PEGUY le 5 septembre, et Alain FOURNIER le 22 septembre .

Le 25e Régiment d’artillerie est engagé dans la Meuse. Le Maréchal des Logis Henry FAREZ conduit une attelage. Il chevauche le cheval « porteur » attelé à gauche du timon et  couplé au cheval de droite appelé « sous-verge » 

Attelage canon 75

Henry est grièvement blessé d’un éclat d’obus au niveau de l’abdomen le 6 septembre à Bauzée- sur-Aire. 

Son action lui vaudra une double citation à l’ordre du régiment et à l’ordre de l’armée : Combattant sous le feu de l'ennemi a fait remettre un timon au caisson de sa pièce et remplacer le sous-verge tué quelques instants après - Remonté à cheval a eu son cheval tué sous lui et a été lui-même grièvement blessé. A, par sa belle attitude, permis au caisson de rejoindre sa batterie. Blessé le 6 septembre 1914 à Beauzée par éclat d'obus.

Carte postale ancienne 55 beauzee sur aire soldats dans les ruines

Une plaie profonde au niveau épigastrique nécessite des soins de longue durée. Le blessé sera évacué vers Montpellier dont les hôpitaux ont été réquisitionnés par l’armée comme hôpitaux militaires de l’arrière. 

Réformé, il demeurera dans le sud où il épousera Evelyne GIBELIN, une soignante dont il aura 3 enfants. Il mourra des suites de ses blessures en 1937 et sera reconnu Mort Pour la France.

Année 1915, la hiérarchie militaire prend conscience de ses « erreurs » - pour ne pas parler d’incompétence- Une nouvelle stratégie se met en place : les hommes s’enterrent dans des tranchées.

Le 46e Régiment d’Artillerie est déployé en Argonne, région située sur la Marne, la Meuse et les Ardennes. Les combats meurtriers de ce secteur dureront de mars à novembre faisant plus de 6  000 morts et 20 000 blessés ou malades évacués du côté français.

Blesses poste de secours argonne st thomas

François FAREZ est blessé le 1er mai 1915 d’une balle entrée dans l’épaule et sortie au niveau du coude. Pris en charge par le poste de secours, il sera évacué et soigné à l’arrière avant de repartir au front le 8 décembre 1915. Son régiment, sera envoyé en Orient entre 1916 et 1917 puis reviendra combattre sur le front français en 1918.

François deviendra quincailler à Clary à son retour de la guerre.  Il épousera en 1920 Marie Louise DENIMAL. Le couple aura quatre fils : Joseph, Georges, Jean et Michel. François mourra à Clary en juin 1951.

Le brigadier Victor FAREZ est également servant au 25e Régiment d’Artillerie. Nous ne connaîtrons rien de son parcours en tant que soldat. Il mourra de maladie à l’Hôtel-Dieu de Lyon.  La ville, éloignée des combats et bien placée sur un grand axe d’évacuation a ouvert plusieurs hôpitaux  qui joueront un rôle majeur dans le traitement des blessés et malades. Cela ne suffira pas à sauver Victor. 

Train sanitaire arrivee lyon

Sa fiche matricule indique qu’il est mort « d’appendicite avec ictère infectieux en service commandé ». A-t-il été opéré ou est il arrivé trop tard, auquel cas était-ce vraiment l’appendicite ? Nul ne saura jamais. Il sera reconnu Mort Pour la France.

Toutes ces informations arrivent-elles jusqu’à Clary ? Anastasie veille au grain ! Dès l'ouverture des hostilités, le 2 août 1914, l'établissement de l'état de siège donne aux autorités militaires le droit de suspendre ou d'interdire les publications de la presse. Le système de la censure, baptisé Anastasie, est mis en place par le décret du 5 août 1914.

Beaucoup de journaux disparaissent ceux qui restent manquent de rédacteurs et  les autorités « encouragent vivement » les organes de presse à jouer le jeu de l'Union Sacrée : afin de maintenir le moral des Français, le mensonge patriotique prime sur la vérité.

Il reste « la poste aux armées », organisation titanesque,  véritable ligne de vie entre les poilus et leur famille. Entre 1914 et 1918, plus de quatre milliards de lettres, paquets et cartes postales seront acheminées par La Poste.

Poste aux armees

Les parents de nos soldats ont-ils été avertis en temps réel de l’infortune de leurs enfants ? Cela a-t-il précipité leur fin ? toujours est-il que le père meurt en novembre 1916, son épouse Aimée le suivra dans la tombe moins d’un an plus tard en octobre 1917.

En raison des circonstances Fernand né en 1896 et son jeune frère Arthur née en 1897,  échappent à l’appel au front. Ils effectueront leur service militaire après la guerre.

Fernand épousera une cambrésienne  Julienne PARENT. Devenu marchand de bière et de vin, il mourra à Clary en avril 1955. Le couple aura deux filles Fernande et Marthe.

Arthur ne se mariera pas. Il habite rue neuve à Caudry alors qu’il est réformé définitivement en 1938 en raison de son état général très délabré. Il souffre de cirrhose hépatique et pèse moins de 55 kg. En 1940 il prend la route de l’exode comme beaucoup de ses concitoyens. C’est à Péronne qu’il est rattrapé par le destin. La ville est bombardée le 17 mai. Un convoi de munitions s’est ajouté à la longue file de réfugiés. Il sera repéré et pilonné par l’aviation allemande l C’est un carnage. On dénombrera de nombreux morts et disparus. Son corps ne sera jamais retrouvé.

Peronne 17 mai 40

Quelques mots sur les plus jeunes pour terminer :

Céline (1894-1926) meurt à Clary. 31 ans, célibataire.

Léa (1899-1970) épousera Louis GABET, le couple aura 5 enfants.

Irénée (1901- ?) est recensé Rue Mouffetard à Paris en 1938. Il est marié depuis 1937 à Irène COUPE (1900-1966)originaire de Roubaix.. J’ignore s’ils ont eu des enfants.

Irène (1902-1973) épouse Eugène MONTIGNY en 1927. Le couple aura deux enfants

Date de dernière mise à jour : Ven 28 jan 2022

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