Jean Baptiste LOUVET, roi de la petite reine.
Le roi de la petite reine
Football et cyclisme : deux passions françaises.
En 2021, après une piteuse défaite de l'équipe de France de Football et, à la faveur d'une question posée par la Fédération Française de Généalogie dans le cadre du Tour de France de la même année : "Cousinez-vous avec un coureur cycliste ?" , le moment m'a paru propice pour parler d'un héros sportif bertrésien.Jean-Baptiste Louvet
Un peu de généalogie.
J'ai déjà évoqué son nom lors de l'article consacré à son épouse Ismérie PRUVOT, morte pour la France, en Normandie le 7 juin 1944.
Il n'est pas inutile de retracer brièvement sa généalogie, car j'ai eu l'occasion de lire plusieurs articles erronés quant à ses origines, notamment par la confusion avec son homonyme né en 1875 de Charles et Nathalie Wanecq. Cela n'a rien d'étonnant, les LOUVET, implantés dans la commune depuis au moins le XVIIe siècle, sont nombreux. Parmi nos ancêtres communs citons Pierre Louvet ou Noël Lenglet, mais cette liste n'est pas exhaustive, nous en avons un peu plus de 70.
Jean Baptiste Ignace Arthur, a vu le jour le samedi 1er février 1879, rue de L'Argilière (aujourd'hui rue Jeanne d'Arc) à Bertry (Nord), comme indiqué dans l'acte de naissance ci-contre.
Le père, Auguste LOUVET, est tisseur puis teinturier, La mère, Séraphine LEMAIRE, trameuse (ouvrière textile). Il est le cinquième d'une fratrie de huit enfants. Vous pouvez les retrouver ICI
La crise économique de la fin du siècle va pousser la famille à l'exode. Ils quittent un à un leur pays, pour s'en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils son nés... Comme de nombreux concitoyens, ils vont monter à la capitale pour tenter leur chance. La ville de Puteaux, alors en pleine expansion, a déjà débauché de nombreux artisans ou ouvriers qualifiés de Bertry. Leur savoir faire est recherché tant pour l'industrie d'ameublement que pour l'industrie automobile, pour la fabrication des sièges et intérieurs des nouveaux véhicules. Auguste changera de métier, il deviendra raboteur sur méteaux.
Nous savons que la famille quitte Bertry entre 1879 et 1881 puisque son frère puîné, Léon, naîtra à Puteaux en avril 1881.
La communauté des "bertrésiens de Paris" est très soudée, les familles se fréquentent. C'est ainsi que, le 25 octobre 1902, Jean-Baptiste épouse Ismérie PRUVOT, elle aussi une "expat" originaire de Bertry à Puteaux..
Ismérie, fille d'Aimable PRUVOT et Thérèse HERBET est la benjamine d'une fratrie de onze enfants. Elle n'était qu'une fillette de huit ans au décès de sa mère en 1887. Moins de dix ans plus tard, à 17 ans elle met au monde, le 7 janvier 1897, à la maternité de Port Royal à Paris, un garçon Jean Baptiste Edmond PRUVOT né en 1897. Il sera reconnu et légitimé par Jean-Baptiste Louvet, lors de son mariage avec Ismérie. Jusque là, elle habite avec son vieux père et gagne sa vie comme journalière.
Le couple aura un second enfant, Roger Gaston né en 1903.
Tout comme son frère Léon, Jean-Baptiste est un excellent mécanicien. Il met ses compétences au service d'un nouveau sport que le passionne le cyclisme.
Les deux frères construiront des vélos.
Le cyclisme en quelques dates.
Le 6 février 1881, l'Union vélocipédique de France (UVF) est créée à Paris.
L'Écossais John Boyd Dunlop invente le pneumatique en 1888, ce qui contribue à améliorer encore le confort du cycliste.
Trois ans plus tard, Michelin invente le pneu démontable.
En 1896, le cyclisme devient sport olympique. La même année a lieu le premier Paris-Roubaix. Il ne passe pas encore par Bertry !
En 1900, l'Union cycliste internationale est créée.
En 1903 s'élancera le 1er tour de France.
Jean-Baptiste, coureur.
Habitant Puteaux, notre sportif, ou sportman comme on dit alors, n'a que la Seine à traverser pour s'entraîner au bois de Boulogne. En quelques coups de pédale il peut rejoint le tout nouveau Vélodrome de Boulogne sur Seine, plus connu sous le nom de Parc des Princes.
le jeune homme est très rapidement repéré par la presse sportive, enfin si l'on peut appeler cela de la presse. deux articles de journaux fleurant bon l'argot parigot en parlent dès 1897, comme d'un "coming man" . On pourra traduire par jeune espoir ou étoile montante.
Je vous laisse apprécier la délicate prose de l'époque. J'en retiendrai le portrait qui est fait du jeune homme de 18 ans :
"Vous connaissez le gaillard, pas gracieux d'allure, il aurait tord de poser à l'Adonis...Trapu, petit mais solide avec des épaules bien ramassées, le dos arrondi jetant le corps en avant. Louvet et un coureur courageux, il en veut et il en met."
"On s'est tellement décarquillé les châsses..."
Notre Bertrésien est encore un peu jeune pour les grandes classiques mais il se fait les dents et les jambes lors diffférentes manifestations. A l'occasion de l'arrivée du Bordeaux Paris l"Le petit Louvet" se verra décerner un prix d'encouragement réservé aux coureurs malchanceux.
Jean Baptiste passe sprinter professionnel entre 1900 et 1902.
Jean-Baptiste, l'entrepreneur.
Le louveteau a les dents longues, les performances dans sa discipline ne lui suffisent pas, c'est un homme d'affaire en puissance, il a de l'ambition.
Il crée sa propre entreprise de construction de cycles en 1904. l'emblème est tout naturellement le loup (Louvet est étymologiquement le diminutif de loup)
Inventeur hardi, il lança la bicyclette avec cadre soudé à l’autogène (technique révolutionnaire à l’époque). L'usine de Puteaux sortira jusqu'à 500 vélos par jour. elle est dirigée par l'homme d'affaires Pierre Maisonnas. Jean-Baptiste LOUVET déposera deux brevets.
Les cycles fabriqués par l'entreprise ne sont cependant pas réservés aux compétiteurs, ce sont des vélos tout public. Ainsi, au salon de 1923 neuf modèles sont proposés :
- trois modèles de type routier pour le tourisme
- trois modèles de type sport
- et trois modèles pour femmes et ecclésiastiques !
L'équipe Louvet participe aux grandes compétitions françaises et internationales : Belgique, tour d'Allemagne, tour d'Italie.
En 1921, un drame familial vient assombrir cette "succes story ". Roger, le benjamin de la famille décède à l'âge de 18 ans.
Dès 1922, les LOUVET passent au niveau supérieur : ils créent leur propre écurie de course. Leur emblème reste le loup.
Les couleurs de l'écurie, maillot vert et rouge, font surnommer les coureurs "les perroquets".
Parmi les perroquets on comptera des noms prestigieux tels que les frères Charles et Henri Pelissier.
L'entreprise a bien compris l'importance de la communication et n'hésite pas à organiser des coups de marketing : comme ici en 1923, la descente de la tour Eiffel .
En 1937, la société est rachetée par Dilecta. La famille LOUVET part s'installer à Saint-Laurent sur Mer dans le calvados, où ils investissent dans divers commerces et des villas. Jean Baptiste s'engage dans la vie communale, il deviendra maire.
Jean-Baptiste Louvet sera légèrement blessé dans les combats du débarquement qui coûtèrent, accidentellement, la vie à son épouse
Il décède le 13 avril 1953 à 74 ans, à Saint Laurent.
"J. B. LOUVET" est un nom qui reste et restera dans la mémoire des fans de cyclisme, contrairement au nom de cet imbécile de journaliste qui écrivait : "quant à la tête ronde et plate à l'expression...zut ne parlons pas des absentes". jJ'espère que ce pisse-copie aura terminé sa "carrière" à rédiger la rubrique des chiens écrasés, c'est tout ce qu'il mérite.
Il me reste une inconnue à élucider :
La date et le lieu de décès d' Augute LOUVET. Nous savons qu'il est toujours en vie en 1912, au décès de son épouse à Courbevoie.
les changements successifs de raison sociale, et l'arrivée sur le marché d'une société concurrente, qui ne semble pas vraiment étrangère à la première, cache-t-elle une brouille familiale où est-ce un moyen de ne pas "mettre tous ses oeufs dans le même panier"
A sa création, LOUVET FRERES représente Jean Baptiste et Léon.
Puis en 1920 est crée la marque "Jean Louvet", dit "Roger Louvet" !
Quand les Dupont-Dupond de la petite reine font une publicité en commun !
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Date de dernière mise à jour : Lun 01 juil 2024
Commentaires
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- 1. Alain COLLONGUES Le Sam 04 déc 2021
Bravo pour votre article sur Jean-Baptiste LOUVET qui est passionnant et dissipe bien des erreurs qui existent sur les sites spécialisés du Cyclisme. Je m'intéresse de très prés à la course cycliste Paris-Brest-Paris et je souhaite vous poser une question. En 1921 le journal l'Auto, organisateur de la course, publie la liste des engagés où figure un Roger LOUVET. Il fera une très belle course et finira 4e dans sa catégorie des Touristes Routiers en 81h54, temps très honorable pour l'époque. Cette course a eu lieu précisément le 02/09/1921. Savez-vous si ce Roger LOUVET est le fils de Jean-Baptiste LOUVET que vous mentionnez (né en 1902 et décédé en 1921). Plus précisément savez-vous si ce fils de JB LOUVET est décédé avant ou après le Paris-Brest de 1921. Il est aussi possible qu'il s'agisse de Jean dit Roger LOUVET fondateur de la marque Jean LOUVET à Neuilly. Savez-vous quels liens existent entre ces deux maisons de cycles ?
Merci d'avance et encore bravo pour votre excellent site.
Bien cordialement -
- 2. Foubert Le Mer 30 juin 2021
décès de Séraphine Lemaire : 23 06 1912 Courbevoie-
- Dominique LENGLETLe Jeu 01 juil 2021
Oups, merci Chef, je suis passée au travers.
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- 3. gerard FRUIT Le Mer 30 juin 2021
Merci pour cette info.
Je ne connaissais pas du tout cette histoire.
Bravo pour tes recherches. -
- 4. Bruneau Christiane Le Mar 29 juin 2021
Quel bel article ! Bravo ... tu es trop forte !
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