Désiré Tamboise, photo de groupe
- Le Ven 08 mars 2024
- Dans La photo du mois
- 16 commentaires
Cette photo est la toute dernière de ma collection. Je l’ai reçue en janvier avec une carte de vœux.
L’expéditrice, que je remercie pour ce beau cadeau, est Chantal, l’ex-épouse divorcée d’un de mes cousins aujourd’hui décédé, Alain Gilbert – Famille Gilbert Delépine –
Chantal a découvert mon blog il y a quelque temps et ayant retrouvé quelques photos de la famille Delépine, me les a transmises.
Les personnages présents sur les trois autres photos m’étaient familiers, je n’eus donc eu aucune difficulté à les identifier, mais la carte postale de 5 poilus de la Grande Guerre, c’était une autre paire de manches (j’en ai des dizaines retrouvées dans un grenier que je n’ai jamais pu identifier). Ce n’étaient pas les frères Delépine pour lesquels je dispose de plusieurs clichés.
Par chance, une petite croix en bas du document, nous signalait l’homme de droite. Craignait-il que le destinataire de la carte ne le reconnaisse pas ? En retournant la carte, je vis une adresse, écrite au crayon de bois, presque effacée, ainsi libellée :
Madame Lefour Tamboise
Cultivater
37 Grand Rue
Bertry Montigny
Tout de suite me vint à l’esprit le nom de Désiré Tamboise, frère de Marie Tamboise, notre arrière-grand-mère. Quelques vérifications plus tard, j’eus la certitude de son identité. Les galons de caporal et l’insigne du 347e RI dépendant du 147e RI correspondaient avec la fiche matricule.
Désiré Tamboise 1889/1916, Mort pour la France
Quel bonheur de pouvoir mettre enfin un visage sur cet arrière-grand-oncle héros de la Grande Guerre, auquel j’avais, en 2018, consacré un article que vous pouvez lire ICI.
Son dernier combat
Cette photo, je l’ai transmise à Christophe Lagrange, auteur du blog : 347eRI.
Il a bien voulu créer un article concernant notre parent qui a révélé tout une partie de son histoire qui m’avait échappée.
Ainsi il existe une apparente incohérence entre le lieu où il est porté disparu et son inhumation 160 km plus loin.
Il est inhumé à Drouville puis à la Nécropole de Courbesseaux, tombe 331. Compte tenu de la distance du lieu de décès présumé, il semblerait possible que Désiré, blessé, ait été évacué en direction de Drouville, lieu de son décès indiqué sur sa fiche matricule, ou capturé après sa blessure et emmené par les Allemands dans cette même direction.
Un épisode des plus sanglant de la grande boucherie.
Envoyé en renfort dans le secteur de Verdun, le 347e RI monte en ligne le 5 juin 1916.
Le 5e bataillon prend position dans le secteur de la Ferme de Thiaumont, devant Verdun où il est soumis bientôt à un bombardement intense et continu de l'artillerie allemande qui atteint son paroxysme le 7 juin.
Le 8 juin, l'attaque allemande qui parvient à s’emparer du Fort de Vaux, submerge les positions tenues par le 347e RI .
Désiré est affecté à la 19e Compagnie commandée par le sous-lieutenant Pierre Millant qui, perd la moitié de ses effectifs et se trouve sans ravitaillement, à court de munitions et coupé de toute communication avec l'arrière.
Mais les ordres sont les ordres, « Les amis, lance leur officier, ici, ce n'est pas Reims, mais Verdun ; aucune défaillance n'est permise ; le premier qui recule… » et il porte la main à son étui de révolver.
Par colonnes entières, les troupes allemandes sortent du fort de Douaumont et attaquent en direction de Thiaumont. Ils sont accueillis par les tirs des soldats du 347 e. Isolés, accablés par les rafales d'obus, subissant des pertes de plus en plus sensibles, les hommes de la 17 e compagnie et ceux de la 19e ,section Millant, vont tenir la ferme de Thiaumont toute la journée. Ils assistent même à l'agonie des autres compagnies du régiment, submergées les unes après les autres par les vagues d'assaut allemandes.
le combat devient individuel. On défend son trou sans savoir ce qui se passe à côté. Les pertes sont énormes, soldats et officiers tués, blessés ou faits prisonniers.
C’est là que disparait Désiré.
L’histoire ne se termine pas là !
La nuit venue, complètement épuisés, constatant que la Ferme de Thiaumont est presque totalement encerclée par l'ennemi, les deux officiers, les sous-lieutenants HERDUIN et MILLANT qui commandent les 17e et 19e compagnies commandées par, décident de profiter de l’obscurité et de décrocher avant d’être faits prisonniers.
Ils se replient avec la quarantaine d'hommes qui leur restent, en emportant huit mitrailleuses, et ils se présentent en piteux état à un officier appartenant au 293e RI qui occupe une position à gauche de la Ferme de Thiaumont, pour lui demander des instructions. Ce dernier les admoneste durement, refusant de les intégrer à son unité et leur intimant l’ordre d’aller reprendre le terrain perdu par leur régiment.
Conscients qu’il n’est pas possible avec une quarantaine d’hommes exténués, de reprendre le terrain qui avait été tenu par 800, HERDUIN et MILLANT décident de descendre à Verdun.
Le 9 juin au matin, ils se présentent au major de la caserne Anthouard. Exténués, ils omettent de rédiger et de lui remettre un rapport – faute professionnelle qui va leur être fatale – puis, se considérant comme relevés, ils restent au repos à Verdun pendant 48 heures.
Fusillés pour l’exemple, exécutés sans jugement à Fleury devant Douaumont le 11 juin 1916, les deux soldats seront réhabilités en 1926, après un long combat mené par leurs familles soutenues par les survivants.
La médaille militaire
Désiré recevra en 1921, à titre posthume, la Médaille militaire. Dite la médaille des braves, c'est la plus haute distinction militaire française destinée aux sous-officiers et aux soldats.
Récompense d'exploits extraordinaires ou de longues années passées sous les drapeaux, elle répond à la devise " Valeur et discipline".
" Caporal d'une bravoure réputée. Est mort glorieusement le 8 juin 1916 à Thiaumont, en faisant vaillamment son devoir. "
Sources :
https://pedagogie.ac-reims.fr/memoire/lieux/1GM_CA/monuments/reims_herduin.htm#thiaumont
https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/actualites/il-y-a-cent-ans-francais-et-allemands-saffrontaient-dans-une-lutte-a-mort-pour-verdun_11986458/
http://347ri.canalblog.com/
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Commentaires
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- 1. Olivier LEFORT Le Lun 06 mai 2024
C'est formidable, Dominique, d'avoir reconstitué toute cette histoire.
Tu redonnes du corps à ces vies oubliées.
Je pense à toutes ces photos de poilus dans ton grenier. Cela ne vaudrait-il pas la peine de les scanner et de les mettre à disposition sur des sites dédiés ?
Merci pour tout ton travail. Tu fais désormais clairement oeuvre d'historienne.
A bientôt
Olivier-
- Dominique LENGLETLe Mer 08 mai 2024
Merci Olivier. Les photos de poilus dans le grenier, je les ai mises en lignes su des sites dédiés il y a dejà plusieurs années, deux familles ont retrouvé leur proche. Merci pour tes encouragements
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- 2. THIREL DAILLY alain Le Sam 30 mars 2024
Merci beaucoup pour ce bel article. Comme quoi, à partir d'une photo on peut raconter beaucoup...
Merci encore
Alain-
- Dominique LENGLETLe Dim 31 mars 2024
hé hé ! Le type qui m'a inspirée dans l'exercice porte le même nom que toi....! Merci Alain.
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- 3. André Douay Le Ven 15 mars 2024
Dans cette "boucherie" les officiers supérieurs étaient bien planqués à l'arrière.
Ils donnaient des ordres insensés, envoyant les soldats à une mort certaine.
Pourvu que nous n'ayons plus ce "type" de bouchers .... !-
- Dominique LENGLETLe Ven 15 mars 2024
les hommes seraient moins "maniables" les notions de Patrie, Honneur, Devoir, Sacrifice n'ont plus court
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- 4. Catherine Arbouch Le Lun 11 mars 2024
Un bel article qui permet de toucher du doigt l'enfer vécu par nos poilus.
Pauvres sous-lieutenants, fusillés pour avoir voulu épargner la vie de leurs hommes et la leur...
Leur réhabilitation est importante car ce n'était pas des lâches, bien au contraire ! -
- 5. Lucie Guilliot Le Lun 11 mars 2024
Merci pour ce partage. J'apprécie beaucoup votre blog.
Désiré TAMBOISE est le père du beau-frère de mon arrière arrière grand-père LACOMBLEZ.
N'hésitez pas à me contacter si un jour vous trouviez quelque chose sur les famille LACOMBLEZ et LECOUVEZ. Je vous laisse mes cordonnées.
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